Putain mais quel connard! avons-nous pensé, mon copain et moi qui visions aussi la réalisation. A 24 ans, Xavier Dolan joue à l’homme orchestre, acteur, réalisateur, monteur, co-producteur dans son dernier film, le quatrième, qui touche au thriller psychologique et s’enfonce dans la perversion avec brio! Véritable petit génie, il démontre une réalisation subtile et brillante avec Tom à la Ferme l’adaptation d’une pièce de théâtre.

On sent l’esthétique léchée du réalisateur très présente pourtant très vite, elle s’efface, dans une recherche d’émotions intenses, pures et brutales. Le choix d’ellipses assez forte en est l’illustration. On est avec les personnages, avec Tom, dont on ne voit les yeux brillants que par intervalle. On est toujours dans l’émotion pure sans savoir ce qui était avant. Le mystère est omniprésent, les personnages ne sont dessinés qu’en esquisse, leur passé trouble n’apparaît que en bref instant, de manière cryptique, pas forcément lisible au premier regard. Tout est fait pour que les pistes demeurent brouillées, et que l’émotion demeure la principale trame, ce qui fait avancer le film. Il n’y a pas d’indice ou très peu sur leur passé, sur le pourquoi du comment, on devine, on présent, mais il est impossible de deviner la suite.

Ce système utilisé mêlé à la confusion et à la perversion de l’antagoniste rend la lecture trouble du film, et nous oblige à rester dedans, pleinement dedans pour savoir ce qu’il va advenir, impossible de jouer aux devinettes. On est pleinement dedans, et c’est pile poil ce qu’il faut pour que tous les mécanismes mis en place fonctionnent. Certains sont visibles comme le changement de format, d’autres plus subtiles comme les gros plans qui amènent des séquences particulièrement intenses. La réalisation fourmillent d’idées, certaines riches, d’autres moins, mais on ne peut reprocher à Dolan d’essayer, de triturer, de trifouiller, de bidouiller, pour rendre son cinéma plus intense et plus vrai. Il nous fait penser à d’autres cinéastes français, à des Dumont, et à des Noé.

Perversion, brutalité, marasme campagnard, scandales enfouis sous la paille, oubliés, dénis, plus l’on s’enfonce dans le film, plus on sent le malaise nous prendre à la gorge. Très vite, le ton est donné. On quitte peu à peu le deuil et la tristesse pour s’enfoncer dans un cycle de dominant et soumis qui s’avère violent, pervers, et souvent gratuit puisque Francis demeure difficilement lisible. Ses raisons sont difficiles à trouver. Son charme dont il se vante ne semble perceptible que par Tom. Qui nous décline un syndrome de Stockholm assez marqué mais qui ne manque pas de finesse ni de subtilité. Pour autant, le défunt reste présent, en filigrane, jaillissant par de bref mais instant moment, quand la réalité masquée par le mensonge familial ressort, que ça soit par une astuce de Tom ou bien par une scène très forte où la mère pose enfin les bonnes questions.

En bref, je vous recommande chaudement ce film, usant des ressorts du film d’horreur, avec une ambiance digne d’un Rebecca, Tom à la Ferme est une réussite, un bon film qui n’a rien d’arty.

Créée

le 26 avr. 2014

Modifiée

le 26 avr. 2014

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Sophia

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