Une œuvre de plus qui fleure bon la haine de soi !

Voilà un film globalement bien construit sur le plan technique, mais qui pèche par son ton convenu bien de notre époque. S'inspirant volontiers l'air de rien du piteux "Stupeur et tremblement", ce film enfile les clichés comme des perles sur un fil: la femme est forte et franche du collier, l'homme est faible et veule. Le Noir est courageux, le Blanc est couard. L’Étranger est compétent, le Français a deux mains gauches. Le Japonais est stoïque, le Français débinard. Et j'en oublie sûrement...
Certes, de ce point de vue là, Tokyo Shaking - encore un film français, affublé d'un titre en anglais ! - remplit complètement sa mission de débinage de l'Occidental, et tout particulièrement des Français. Hormis cela, on trouvera la soupe plutôt indigeste, comme une sorte de "Stupeur et tremblement" à la sauce "suspens de salon & psychodrame". Ni comédie, ni film catastrophe, nous tenons ici une énième comédie dramatique patchwork de poncifs relevant de la "moraline" de notre triste époque.


Note: résident de longue date au Japon, je puis vous assurer que ce qui s'est passé le 11 mars 2011 et les semaines qui ont suivi est loin, très loin de ce qui est décrit dans ce film. Les Japonais ont été les premiers à plonger dans la panique totale, à se carapater qui dans le sud-ouest du pays, qui à l'étranger "à pieds, à cheval, en voiture" mais aussi en train et par avion bien sûr. Plusieurs dizaines de millions d'un coup, contre un ou deux millions d'étrangers seulement que certains Nippons n'ont pas hésité à qualifier de "flygin", quolibet infamant composé de "fly" (pour "fuite") et "jin" pour "gaijin" ("métèque"). Ce point de vue abject est repris d'ailleurs dans Tokyo Shaking, à savoir qu'un ressortissant étranger SE DOIT de demeurer sur son lieu de résidence professionnelle "par solidarité" envers les locaux (probablement le 11e commandement perdu ?) tandis qu'une entreprise française, elle, SE DOIT de rapatrier ses employés de toute nationalité, y compris au besoin au détriment de ses employés français (préférence nationale = méchant-pas-beau !).
Diantre ! Je ne savais pas qu'une entreprise privée avait à charge d'aspirer sur le territoire hexagonal chacun de ses employés en cas de grabuge, il faudra nous indiquer les clauses légales qui le stipulent ! Prenons le cas inverse: la filiale d'une entreprise nippone installée dans une ville française se voit exposée comme tous les habitants de la région à l'explosion d'une énorme usine chimique. Croyez-vous vraiment que les Japonais affréteraient un avion afin de rapatrier leurs employés locaux français, avecque leurs employés japonais ? Sérieusement ? Non seulement les Japonais ne feraient jamais une chose pareille - et de fait, ils ne l'ont jamais fait de leur Histoire, pas même lors de la récente crise afghane ! - mais encore la chose serait-elle purement et simplement absurde, on le conçoit aisément.


Cela étant dit, l’État Français a pour sa part rapatrié des centaines de personnes, dont un grand nombre de Japonais et de ressortissants d'autres nationalités. De ce côté-là, la France s'est montrée exemplaire. Quid des autres États (Allemagne, États-Unis, Italie, Benelux, Grande-Bretagne, pays du Maghreb etc.) ? Quid des Japonais qui paniquaient comme des poulets sans tête, beaucoup fuyant leur bureau abandonnant JUSTEMENT sans un au-revoir leurs subordonnés japonais et étrangers en pleine crise; se jetant au mépris des consignes gouvernementales sur la moindre denrée pendant des semaines créant des ruptures de stocks tous les jours à partir de 11h30 du matin ? Quid des pillages, des viols, des agressions, des cambriolages, des escroqueries diverses commises par des Japonais sur leurs compatriotes déjà frappés par la triple crise séisme-raz-de-marée-nucléaire ? Voilà ce sur quoi un film aurait été intéressant à faire, mais pour cela, encore aurait-il fallu que le scénariste et le réalisateur aient eu un peu plus de quelque chose dans le pantalon, plus qu'il n'en faut pour jouer les tireurs embusqués ajoutant à la méconnaissance de leur sujet, l'envie de dézinguer des gens qui les valent cent fois.

StanAuJapon
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le 12 oct. 2021

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