Woody Allen n'a manifestement pas envie d'arrêter de faire des films. Pour notre plus grand malheur et pour celui de la commission européenne d'aide au cinéma, il a décidé de faire méthodiquement toutes les capitales européennes, après Londres, Barcelone (capitale de la Catalogne), Paris, il s'attaque à Rome, avant d'aborder l'année prochaine Copenhague. A croire qu'il est lui aussi guetté par la crise des subprimes et qu'il fait des films chaque année pour tenter d'éponger les dettes de ses films précédents dans un montage financier hasardeux.

Mais personne ne franchit sans dommage le Rubicon, et Rome with love finit en mauvais état, lardé par les coups de couteau de la critique italienne qui n'arrive pas à reconnaître la ville éternelle et les italiens dans ce salmigondis d'intrigues amoureuses sans intérêt. Initialement intitulé Bop Decameron, en hommage à Boccace et à son pavé moyenâgeux sur les jeux de l'amour et du hasard (avant d'être renommé par un titre plus vendeur), le film se perd dans quatre intrigues amoureuses sans grand intérêt si ce n'est à mettre en valeur ses placements produits (l'eau San Benedetto en tête).L'une avec Mark Zuckerberg conseillé par sa conscience Alec Baldwin -qui était mieux aux commandes d'Octobre Rouge --qui se demande comment pécho cette bonasse de Juno, une avec un jeune couple qui découvre les charmes de la capitale sous les traits de Pénélope Cruz en femme de petite vertu (on se demande bien ce qu'elle fait là d'ailleurs, cela ne fait que corroborer l'idée que les Italiens se font des Espagnoles), une avec Woody Allen paumé dans sa propre intrigue qui tente de transformer le père du promis de sa fille en chanteur d'opéra alors qu'il n'arrive à chanter que sous la douche et enfin une autre encore plus inutile avec Benigni qui devient une vedette du jour au lendemain pour une pitoyable dénonciation du star system. Où l'on s'aperçoit qu'en fait, Midnight in Paris avait un semblant de scénario, aussi maigre était-il.

De Rome, on ne verra pas grand-chose, si ce n'est des extérieurs avec filtres jaunes (merci Darius Khondji) et l'intérieur du Palais Farnèse et de la fresque des Carrache que Woody Allen tente de faire passer pour le Vatican (l'Ambassade de France s'en met plein les poches, après avoir abrité le tournage d'Habemus Papam). Tout n'est que vagabondages sous fond de carte postale où Woody Allen aurait pris systématiquement les endroits emblématiques (piazza Venezia, piazza di Spagna, fontaine de Trevi, campo di fiori, quartier du Trastevere, thermes de Dioclétien, Ostia Antica, forums de Trajan et l'ami des Japonais, le Colisée) sans vraiment jouer avec l'histoire des lieux comme il avait fait dans son film précédent, pourtant bourrés de clichés. La ville est juste un décor pour une Commedia dell'Arte ratée car elle manque de bastonnades, de valets voleurs et de galères.

Bien sûr, le fait de regarder ce film doublé en italien (les Italiens ne connaissent pas le cinéma en VO, déjà si le film ne sort pas trois ans après tout le monde, c'est un miracle) rajoutait un certain charme puisque les mouvements des lèvres ne correspondent pas du tout à la voix, il faut rajouter 25% de mots en plus pour passer de l'anglais à l'italien- et qu'évidemment les blagues sur l'incompréhension entre les Américains et les Italiens passent complètement à la trappe. Mais comme le racontait la critique de Midnight in Paris de feu 2728XX avec l'UGC Danton, la mise en abyme de voir au cinéma l'image de la salle où l'on est actuellement, fait toujours son petit effet. Mais il se dissipe très vite à la sortie, quand la vraie ville reprend ses droits par rapport à son simulacre édulcoré.

Une chose est sûre, je ne ferai pas le déplacement l'année prochaine à Copenhague.
Socinien
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Apostrophes et apartés et Déclaration d'amour sous pluie battante.

Créée

le 23 avr. 2012

Critique lue 2.3K fois

81 j'aime

16 commentaires

Socinien

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

81
16

D'autres avis sur To Rome with Love

To Rome with Love
Jambalaya
5

To Rome With Hate.

Il est très difficile de ne pas être indulgent avec Woody Allen, il a fait rire et touché tant de spectateurs depuis des décennies que nous sommes (malheureusement) prêts à tout lui pardonner. Oui...

le 23 janv. 2013

26 j'aime

4

To Rome with Love
Docteur_Jivago
4

Les photos de vacances de Woody

Après des arrêts à Londres, Barcelone ou encore Paris, Woody Allen poursuit son tour d'Europe et débarque cette fois-ci à Rome, où il va mettre en scène plusieurs destins qui vont plus ou moins se...

le 28 août 2015

17 j'aime

6

To Rome with Love
Barmad
9

Fiat, c'est pas des fiotes.

Woody, comment fais tu pour partir dans toutes les directions et en même temps à garder ton spectateur accroché... J'ai eu la chance d'avoir une salle vide. Nous n'étions que 4. Et mes camarades...

le 4 juil. 2012

17 j'aime

3

Du même critique

Les Sept Samouraïs
Socinien
9

Mais enfin, Doc, tous les meilleurs trucs sont fabriqués au Japon.

Sept critiques pour le prix d'une. Spéciale promo avant les soldes. Déstockage Massif. Critique Blasée Avec un peu de napalm ou une petite bombe atomique, on aurait pu éviter les 3H30 de film...

le 8 janv. 2011

294 j'aime

45

Man of Steel
Socinien
3

Faire du neuf avec des vieux.

Un jour, j’arrêterai de tomber dans le panneau et de payer pour voir sans cesse le même film, avec plus ou moins de lens flares. Surtout quand la climatisation de la salle, une de mes grandes...

le 19 juin 2013

202 j'aime

161