Après que j’aie vu Tickled il me semble, un ami m’avait parlé d’un autre documentaire, The wolfpack, dont le résumé m’a de suite donné envie : il y est questions de six frères qui ont grandi enfermés chez eux, n’ayant pratiquement aucun lien avec l’extérieur, hormis ce qu’ils en voyaient dans les films.
Je crois que je m’étais déjà demandé ce que ça donnerait, un enfant qui ne découvrirait le monde que par le biais du cinéma… et vu le ce dont sont capables certains humains, ça ne me surprend pas tellement que quelqu’un ait fait l’expérience.


Le père de la famille Angulo, fasciné par le dieu Hare Krishna, voulait comme lui avoir dix enfants. Il a dû se contenter de six garçons et une fille, dont il a voulu faire une sorte de communauté, et les a ainsi gardés cloitrés dans leur appartement de Manhattan pendant toute leur enfance. Eduqués à domicile, les gamins ne sortaient presque jamais, et quand c’était le cas, il leur était interdit de parler à des inconnus.
Je m’attendais à ce que de telles conditions de vie aient créé des freaks incapables d’interagir normalement et obsédés uniquement par les films, un peu comme Plastic Man, cet énergumène que doivent connaître les cinéphiles Parisiens (il squatte la Cinémathèque et les festivals, toujours équipé de sacs plastiques remplis de nourriture).
Mais étonnamment, les frères Angulo n’ont rien de particulièrement dysfonctionnels, peut-être parce qu’ils n’étaient pas seuls et ont au moins vécu en groupe.
Ils semblent quand même conditionnés à penser que l’extérieur est nuisible, que New York serait trop dangereux pour qu’ils aillent à l’école ou que leur mère y travaille.


Ils font tout dans leur appartement pendant des années, y compris fêter Halloween en brûlant un épouvantail, dans ce qui ressemble à une cérémonie païenne.
Mais surtout, ils tournent chez eux tout un tas de versions suédées de leurs films favoris, après avoir réécrit des scripts entiers manuellement.
Leurs costumes et accessoires sont en carton, en plastique et en papier mâché, le tout scotché ensemble ; c’est fait avec les moyens du bord, mais ils y mettent une application impressionnante.
On voit qu’aujourd’hui, ils vivent toujours dans le même lieu, et on se demande ce qui s’est passé entre maintenant et cette époque où les parents les gardaient enfermés.
Le documentaire ne nous dévoile pas tout immédiatement, ce qui est compréhensible si c’est pour réserver quelques surprises au spectateur, mais The wolfpack n’est pas assez explicatif, et ça mène à une incompréhension de la situation.
On croit que les six frères vivent désormais seuls et qu’ils se sont émancipés, jusqu’à ce que soudain apparaisse leur mère, qui parle encore de les préserver de la mauvaise influence du monde extérieur.
On ne comprend pas s’ils sont encore enfermés, car ils parlent de cette époque d’emprisonnement au passé, mais on ne les voit toujours pas sortir pour autant. Le spectateur ignore même si le père est encore là, on ne le voit pas avant 30mn de film, et il faut encore en attendre 20 de plus pour qu’on lui donne enfin la parole.


Une voix-off n’aurait pas été en trop. La structure du montage, alliée à des cadrages maladroits et une mise au point hasardeuse, a un effet chaotique. Les propos et les évènements sont en vrac, rien n’est organisé, ce qui m’a fait perdre mon attention.
La bande-annonce était autrement mieux montée et captivante.
L’ennui vient aussi du fait qu’il ne se passe rien avant un bon moment, on suit pendant un temps les activités des frères, toujours dans leur appartement, et ça tourne en rond.
Ce n’est qu’après un tiers de film qu’on découvre qu’en fait, ça fait des années que les ados ont décidé de sortir de chez eux. Ah bon ? Ok.
Pourquoi ne pas avoir respecté la chronologie, évoquer d’une traite toutes les conditions dans lesquelles les Angulo ont grandi, puis passer à l’époque actuelle, au lieu d’alterner les deux au début et créer une confusion en montrant les ados de nos jours, mais toujours chez eux.


Je pensais que The wolfpack allait se montrer plus intéressant une fois qu’on voit les six frères sortir. Ils vont à la plage par exemple, mais sans qu’on sache si c’est pour la première fois ou non, alors que c’est de ça que dépendrait tout l’impact de l’événement ; en tout cas, il ne se passe rien de spécial.
Le sextuor apprend un nouveau jargon, mais on ne les voit pas confrontés à des situations qui provoquent leur étonnement ou les font sortir de leur zone de confort. Ou alors le film ne montre simplement pas cet aspect-là. L’un des ados se trouve un job et engage la conversation avec ses collègues… ce qu’on ne doit pas voir plus d’1mn.
Quand la réalisatrice veut faire comprendre que les Angulo arrivent à aller de l’avant, c’est pendant une série de plans courts, où on en voit un à une manif, un autre faire de l’auto-stop… mais les situations ne sont jamais développées de sorte qu’on voie comment ils appréhendent et gèrent chaque nouvelle expérience.
En plus il y a cette musique atonale pendant presque tout le film, qui évoque un flottement, tandis qu’on survole ces situations sans s’arrêter dessus. C’est très frustrant.
Alors que pendant longtemps, on nous rabâche les mêmes idées et propos sur le père de famille, ce que les enfants ont vécu pendant leur enfance, …


Je suis extrêmement déçu par The wolfpack, le sujet de départ était très prometteur, et le résultat final m’a ennuyé. Je ne sais pas si c’est parce que les Angulo manquaient de propos intéressants (à la sortie de leur première séance au cinéma, on les voit simplement dire que le film était bien et que l’argent va revenir à telles stars), ou si c’est le montage qui est à blâmer. En tout cas la futilité du contenu ne justifie pas l’existence du film tel qu’il est.

Fry3000
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le 1 déc. 2016

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Wykydtron IV

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