La grâce et la nature ou la poétique de la vie.

Que dire..... Un film de Terence Malick tient toujours de l'expérience et laisse une empreinte dont on a du mal à ce défaire. Celui-ci certainement encore plus qu'aucun autre.
Le film ce structure sous la forme d'une poésie, en reprenant les notions de rimes, de métaphores, .... Chaque séquence est une note qui compose et enrichie la partition qui se joue devant le spectateur. Pour bien comprendre cette volonté poétique, il faut se tourner vers Aristote et la notion de "catharsis" que Malick nous fait partager. Le film cherche moins à raconter une histoire qu'à faire partager au spectateur le trouble des sentiments. Voir The Tree of Life c'est comme regarder l'univers et tenter d'en tirer la quintessence de sa propre existence. Cette fable philosophique expose le destin d'un enfant (l'humanité) à qui on tente d'imposer des règles violentes, sensées régir nos vie. Tel est le destin des Hommes de vouloir le bien en imposant le mal (volonté Chrétienne et certes légèrement manichéenne). Le sujet du film tente donc de dépeindre la destiné des Hommes, à travers le portrait de cette famille américaine des années 1950. Ambitieux, surtout si l'on y rajoute les images transcendantales de l'univers conçues par Douglas Trumbull (déjà superviseur des effets spéciaux sur 2001). Cette valse d'images de planètes, de gaz, de vie spatial font directement écho au travail du plasticien Jordan Belson, qui avait déjà la volonté de représenter les turpitudes de l'âme humaine à l'aide d'images cosmique. L'infiniment grand se retrouve dans l'infiniment petit. Chaque "objet" quelque soit son échelle fonctionne selon les mêmes règles. Il n'y a qu'à voir comment la forme d'un atome est semblable à celle de l'univers. Au-delà de cette simple notion d'organisation mécanique, ces images à couper le souffle renvoi à l'intimité sensible de chacun (si tenté que l'on y soit réceptif). Comment décrire des sentiments quand aucun signifiant ne peut en reproduire la puissance?
La narration s'organise sous la forme de variations d'évocations sensorielles d'un temps révolu et durant lesquels l'être se construit. Le film donne à voir une projection de sa propre vie et de celle de l'humanité dans son ensemble, dans un condensé d'images brut prenant la forme d'un recueil de souvenirs. Nous sommes en face d'un art conscient de lui-même, où l'intrigue et les personnages s'estompent au profit de l'idée à la manière du Nouveau Roman. Ce parti pris impose un abandon total du spectateur au film. Attention néanmoins ce dernier ne doit pas le subir de manière passive mais construire sa réflexion à posteriori. Le film ne se suffit pas à lui-même et ne prend de l'ampleur qu'à travers le prolongement que le spectateur en fait. Que l'on soit pour ou contre le film, nous nous devons d'y réfléchir et de débattre des questions essentielles qu'il développe.
Alors oui le film n'est pas parfait, loin delà même si on l'analyse dans des termes cinématographique classique. On y trouve de nombreuses faiblesses qui étonne chez un cinéaste pourtant habitué à la perfection. Trop de musique, trop de mouvement de caméra, une fin qui laisse dubitative... Où est donc passé la lenteur contemplative qui caractérise les films précédents du maitre? Certainement le remontage qu'on lui a imposé n'est-il pas innocent a cela et il faudra attendre de voir une version Director's cut (comme pour Le Nouveau Monde) pour contempler l'œuvre dans toute sa splendeur. Le film n'en reste pas moins une réussite formelle qui pousse le spectateur à réfléchir sur sa condition d'être doué de pensé, essence même de la philosophie.

The Tree of Life n'égale malheureusement pas le 2001 de Kubrick (a qui on est tenté de le comparer) nonobstant son lyrisme monumental et leurs ambitions communes. Cette symphonie de la vie sous forme de poésie opératique parvient à nous ébranler si on accepte d'embarquer pour ce voyage métaphysique. Ceux des spectateurs qui préfèrent rester sur le coté ne peuvent être blâmés tellement les choix de Malick sont radicaux. Rien cependant ne justifie l'opprobre que certain lui répliqueront à la hauteur de leurs déceptions. Le génie ne laisse pas indifférent, c'est ce qui caractérise toutes les grandes œuvres touchées par le divin!

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le 17 mai 2011

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Tryphon

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