The Thing 2011 n'est ni un remake, ni un prequel.


Eût-il été un remake qu'il aurait proposé une vision originale, des réponses à des questions laissées en suspens depuis 1982, voire aurait amené de nouvelles interrogations, ou, plus simplement, une nouvelle forme d'effroi. Il ne fait, en réalité, que reprendre parfois des séquences entières, la quasi-intégralité des visuels, et les informations que délivrait déjà le chef d'oeuvre de Carpenter. Les seules variations que l'on peut vraiment constater avec l'ouvre de notre charpentier préféré (en tout cas, le mien), c'est une approche totalement hollywoodienne de la chose, avec une musique assez insipide, trop présente, et conçue pour dire au spectateur quand éprouver quoi, comme dans la plupart des bouses récentes, des jump-scares putassiers, des visuels bien trop explicites (et forcément décevants) de la créature dans sa forme "de base", qui saute comme n'importe quel prédateur de base, sans considération pour le fait que son principal atout en termes d'évolution est de pouvoir se multiplier à la manière d'un virus. Bref, on est plus sur un démarquage bis qui ne fait que singer l'original en surface sans rien comprendre au matériau de base, juste le "cool" qui s'en dégage, comme les Italiens savaient si bien le faire dans les années 80, le budget de fou en plus. Et, bien évidemment, y a des Yankees, et c'est la jolie petite brune venue des USA qui règle tout. (Une envie de tapiner sur les terres de Tonton Ridley? C'est plus, aujourd'hui, un gage de qualité...) C'est d'autant plus navrant que le cinéaste, un européen inconnu, avait là l'occasion d'apporter un vent de fraîcheur, une approche différente, plus noire, plus sociale, ou plus... je ne sais quoi. Pourtant, ce film est plus ricain que ne l'a été le film de Carpenter, plus blockbusterien, plus vulgaire.


Ce n'est pas non plus un prequel, car, en dehors des rappels de l'allule générale du vaisseau pris sous les glaces, et du bloc de glace dans lequel a été découverte (et dont s'est échapée) la créature, la seule connexion avec le film de Carpenter se fait attendre, puisqu'elle est constituée d'inserts pendant le générique de fin. Ca sent le shoot de dernière minute pour créer artificiellement cette connexion, et bien montrer que c'est censé se passer quelques jours avant le film de 1982, avec le chien (dont on doit ne plus entendre parler à partir de la fin du premier tiers du film), l'hélico, et les deux mecs avec leur fusil qui poursuivent le clébard, et, enfin, cette figure qui m'avait tétanisé à la première vision de l'original, ce personnage couvert de givre, la gorge et les poignets ouverts avec un coup-chou à la main. Qui est-ce ? On s'en fout: il n'est là que pour rappeler l'autre film (sous la forme d'un violent coup de coude tarantinien). Le reste n'est que rappels perpétuels de l'original, entre les lance-flammes, la paranoïa etc. L'héroïne américaine, dans sa chenillette des neiges éclairée par les flammes est un autre clin d'oeil, celle à la scène finale du The Thing 1982, lorsque McReady et Childs et se savent (au moins l'un d'entre eux) condamnés à mourir de froid. Seule innovation: lorsque la paranoïa des personnages les pousse à se tirer dessus, provoquant une catastrophe impliquant un lance-flammes. C'est bien maigre pour justifier un prequel. Pire: alors qu'il s'évertue à démontrer dans tous les sens que The Thing est une sorte de photocopieur cellulaire (dès lors, pourquoi est-elle dotée de la forme que nous voyons? Est-ce une imitation d'une créature extra-terrestre?), chose évoquée déjà de manière magistrale (et suffisante) dans le film de Carpenter, ils passent complètement sous silence ce que le franc-tireur moustachu ne faisait qu'effleurer: la contamination cellulaire pure, qui ne nécessite qu'un contact et se dispense d'une quelconque absorption. Ainsi, non content de transformer cette créature protéiforme en monstre de foire qui fait moins peur que Predator, ce prequel s'offre le luxe de se cantonner à ce qu'annonçait déjà clairement le film de 1982 et de passer sous silence ses pistes les plus subtiles.


Ainsi, et pour synthétiser, The Thing 2011, non content de ne rien apporter de neuf, s'offre le luxe d'être une véritable régression par rapport à l'original, se contentant de rendre le matériau de base "Hollywoood-compatible" en affadissant voire anéantissant tout ce qui faisait le puissance de l'original qu'il n'assume même pas de tenter d'imiter maladroitement. Seul le casting que j'ai trouvé bien senti dans son ensemble s'en sort bien. Mais, dans l'ensemble, il se dégage de ce film l'odeur putride du film de producteur cynique et décomplexé.


Dans un registre comparable, Alien vs Predator fait presque figure de chef d'oeuvre, et je vais me le remater illico, ça me dispensera de pleurer quinze litres de larmes, ou de me nettoyer les yeux au vitriol.

Cafe-Clope
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le 14 mai 2019

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