Joan Gordon écume les boîtes de nuit de Broadway et y chante des chansons d'amour depuis ses quinze ans. Sa connivence avec la pègre et ses amourettes avec certains de ses pontes est forcément de notoriété publique. Aussi quand elle décide de vivre l'amour dont elle abreuve son auditoire, son passé lui revient sans cesse à la figure. Le seul moyen qu'elle trouve alors de s’épanouir affectivement est encore de s'exiler de la Grosse Pomme pour Montréal, des kilomètres plus au Nord, et d'y démarrer une nouvelle vie, loin du tumulte de sa sulfureuse réputation. Mais la parenthèse "Ville-Marie" ne durera qu'un temps ; les hommes d'Eddie (le gangster avec qui elle sortait auparavant et toujours épris d'elle), à la recherche de sa chérie, ont percé à jour le secret de sa nouvelle identité. Ultime alternative pour Joan : quitter la ville pour s'installer à la campagne, là où personne ne la reconnaîtra. Pour voyager incognito elle prend la place de sa femme de chambre, en échange de 100 dollars, qui venait de trouver un mari par correspondance. Et voilà comment la belle citadine se retrouve au milieu de l'immensité nue des plaines du Dakota du Nord, balayées par le vent glacial des terres. Glacial également est l'accueil que lui réserve son futur mari, Jim Gilson (futur proche, le temps d'acheter l'alliance et de filer chez le curé). Mais cela relève plus de l’intimidation par la beauté de sa promise que de la réelle aversion pour les femmes de la ville et leurs chichis de princesses. Si la cohabitation est d’abord compliquée et repose sur deux conceptions différentes de la vie à deux, les choses vont progressivement en s’arrangeant à mesure que les difficultés financières et météorologiques s'amoncèlent au pas de leur porte. La complicité sera plus forte que jamais lorsque Eddie débarquera dans la maison du jeune couple et posera un dernier ultimatum à Joan : la simplicité de la vie à la campagne ou le luxe des hôtels quatre étoiles et des grandes villes du monde qu'il envisage de lui faire découvrir... Mais c'est finalement au cœur de l'adversité et de leur récolte en feu que le couple s'unira pour de bon, quand Jim, devant la difficulté de sa femme, la prendra dans ses bras et la ramènera dans la sécurité de leur cocon, comme il aurait du le faire il y a des mois de ça, quand ils rentraient de chez le curé.

The Purchase Price, qui date de 1932, fait évidemment parti de ces films de l'ère pré-Code sorti en pleine Grande Dépression. Si la sympathie qu'on a pour les gangsters (Eddie en particulier, truand au grand cœur) et l'empathie qu'on a pour Stanwyck, en femme décomplexée, représentent parfaitement la partie "pré-Code" du film, celle dénotant de la Grande Dépression est beaucoup plus discrète que celle de bons nombres de ses contemporains. Wellman reste en effet toujours en retrait et n'use pas pleinement du potentiel dramatique de sujet, préférant s'amuser et instiller de l'humour. Quelques scènes sont par exemple vraiment bien senties dont une rupture dans un hall d'hôtel épiée par les yeux voyeurs de ses employés. Barbara Stanwyck est une fois de plus lumineuse. Elle irradie le film de sa prestance. Tout se je joue dans son regard et ses mouvements de lèvres. Elle faisait partie de ces rares actrices qui n'avaient pas besoin de mots pour véhiculer des émotions. Dans The Purchase Price peut-être plus que dans ses autres films, elle incarne la liberté et la fureur d'aimer. D'aimer son mari qu'elle dorlote et la terre qu'elle ensemence. Semant leur future récolte, vêtue d'une robe claire ternie par la poussière, cheveux détachée et flottant dans le vent, il ne lui manque vraiment que le bonnet phrygien pour incarner Dame Liberté. Elle mériterait qu'on la frappe sur nos pièces de monnaie. Pour l'anecdote, sa chanson "Take me Away" est la première qu'elle chante au cinéma. Pour terminer, un petit mot sur le tournage de la bagarre dans le saloon : bien que Wellman ait demandé à chacun des deux acteurs (George Brent et Lyle Talbot) de laisser l'autre le frapper et de rester courtois, Brent envoya si violemment et maladroitement Talbot dans le décor que sa tête vint frapper un clou qui s'enficha profondément dans son crâne. Le pauvre Lyle dû passer par la case infirmerie avant de reprendre le tournage.
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le 5 déc. 2014

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