"Lucky shoes, lucky shoes, make me win and never lose."

Huit mois après une terrible apparition, une mère de famille souffre d'une maladie mystérieuse, faisant de plus en plus vaciller sa santé mentale. Un jour, quelqu'un venu de très loin frappe à sa porte pour lui apporter son aide...

Au bout d'une quinzaine de minutes de "The Nocebo Effect", le mystère que le film tente de vaguement entretenir semble s'évaporer de lui-même devant des indices à peine voilés sur la véritable nature des faits qui s'y joue. Entre d'autres (et une majorité) de mains, cela aurait été probablement fatal et irréversible pour nous intéresser à une intrigue aux contours et finalités a priori si vite décelables. Mais "The Nocebo Effect" est réalisé, et donc raconté, par Lorcan Finnegan, déjà remarqué pour son excellent "Vivarium", et cela change absolument tout car, avec ce long-métrage, le bonhomme va confirmer de façon définitive la puissance de son talent de conteur de l'étrange et réussir à nous scotcher à l'intégralité des tenants et aboutissants d'une histoire dont on croyait pourtant tout connaître à l'avance.

On aurait déjà pu le deviner grâce à cette atmosphère si particulière que le film institue en quelques secondes par sa palette de couleurs hautement élaborée (dans laquelle décors et costumes sont partie prenante), sa captation presque évanescente du quotidien de son héroïne affairiste ou encore le basculement radical qui s'y opère par l'apparition d'une onde de choc qui ne cessera désormais d'imprégner ses vagues toujours plus déstabilisantes sur le cours des événements: la puissance narratrice de "The Nocebo Effect", qui passe en grande partie par sa mise en scène, est d'une densité incroyable, à la fois exponentielle par sa capacité à trouver de nouvelles astuces pour maximiser visuellement le trouble de la situation (ainsi que de son héroïne) et sidérant pour en nous faire partager le malaise qui en découle au plus près. Jusqu'à même parfois parvenir à nous faire douter sur des choses que l'on croyait de prime abord inébranlables (le curseur moral des motivations d'une protagoniste notamment).

Évidemment, l'écriture de la relation qui se joue sous nos yeux, par sa façon d'enrichir son background, d'en éclaircir les zones d'ombres avec une certaine délectation cruelle ou encore d'élargir à bien des strates son message d'exploitation outrancière de populations jugées inférieures par le mépris occidental, est un atout non négligeable pour nous captiver, tout comme la qualité irréprochable de l'interprétation (Eva Green, Chai Fonacier et Mark Strong sont formidables), mais c'est bien avant tout l'inventivité constante par laquelle Lorcan Finnegan emballe de véritables séquences cauchemardesques (celle littérale de la chose sur le lit va rester dans les têtes, on en prend le pari) qui transcende l'ensemble et emporte le reste de ces qualités vers un malaise ne paraissant jamais vouloir stopper sa croissance pour bien sûr, après l'avoir fait sentir par touches, laisser libre cours à sa fureur la plus palpable dans un final à la hauteur de la douleur qui ravage les personnages principaux du film.

Avec un tel metteur en scène à la barre, l'aspect prévisible du récit de "The Nocebo Effect" importe peu: l'expérience proposée nous happe irrémédiablement par la force évocatrice de ses plans et séquences perturbants, elle-même mise au diapason de la souffrance déchirante qui transpire de ce face-à-face grandement symbolique et construite de façon à enfermer ses personnages dans un jeu dangereux où douleurs intérieures et forces supérieures cohabitent pour notre plus grand plaisir sadique (avec un côté cyclique sous-jacent qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler "Vivarium").

Lorcan Finnegan est décidément un nom de réalisateur sur lequel il faut miser à l'avenir.

7.5/10