En 2016 sort le film espagnol Contratiempo, retitré L’Accusé chez nous, réalisé par Oriol Paulo, et le succès est mitigé en Espagne. Par contre, lorsqu’il sort en Chine en 2017, il rencontre un énorme succès et devient le film espagnol le plus rentable là-bas avec 172 millions de yuans (environ 24M$US) de recettes au box-office. Il n’en fallait pas plus pour qu’un remake chinois soit mis sur les rails et qu’il soit confié à Chen Zhuo, réalisateur qui s’est fait remarquer dans l’industrie lorsque son premier film, Song of Silence, a été récompensé par le Firebird Award du meilleur film dans la section Young Cinema du Festival international du film de Hong Kong en 2012. Ce remake prend vie et porte le même titre que le titre anglais de l’original espagnol, The Invisible Guest. Soutenu par le diffuseur chinois de SVOD iQiYi, sans doute pour en avoir l’exclusivité une fois son parcours cinéma terminé, The Invisible Guest rencontre un succès plutôt honnête dans les salles chinoises, devançant Wonka lors de son premier week-end d’exploitation, le public chinois ayant à priori été impressionné par la complexité de l’intrigue. Mais est-ce si bien que ça au final ? Ça c’est moins sûr…


The Invisible Guest, c’est l’histoire d’une femme qui doit coopérer avec un officier de police pour blanchir son nom après que son amant a été retrouvé mort dans une pièce fermée à clé dans laquelle elle se trouvait également. On inverse donc les rôles par rapport à l’original espagnol, le suspect y était un homme, et on fait quelques modifications puisque d’une avocate femme qui tentait de savoir la vérité, on passe à un policier homme. Tout comme Contratiempo, le scénario est des plus tortueux et plutôt réfléchi, avec donc quelques changements par rapport à l’original histoire de ne pas faire trop copié / collé. Intrigue à tiroir, avec de nombreux flashbacks qui vont venir petit à petit assembler les pièces du puzzle. Il reprend toutes les scènes clés du film original bien qu’il s’attarde plus sur certaines et qu’il soit plus rapide sur d’autres. Visuellement, le film est extrêmement soigné, avec des plans conçus au millimètre et le résultat est très élégant dans un scénario qui, tout du long de ses 1h46, va nous exposer différents récits racontant pourtant la même histoire. La même histoire sera donc rejouée sous différentes perspectives afin que la logique du spectateur soit constamment mise à mal. Les performances du casting sont excellentes. Dans le rôle du policier, Greg Hsu est réellement bon, plein de naturel mais avec un regard calculateur. En face de lui, Janine Chang est également à saluer et interprète son personnage avec beaucoup de subtilités. On est réellement content de revoir Kara Hui qui depuis une 10aine d’années retrouve une seconde jeunesse en naviguant entre Hong Kong et la Chine. Bien qu’elle n’ait ici qu’un second rôle, il a son importance dans le récit. L’histoire complexe de ce récit va constamment jouer avec les frontières entre le bien et le mal. Impossible de cataloguer les personnages dans l’une ou l’autre de ces catégories, ce qui crée sans cesse de l’ambiguïté.


Meurtre, cupidité, trahison, mensonges, corruption, abus de pouvoir, … Comme l’original espagnol, on a parfois un peu l’impression que c’est compliqué pour être compliqué, avec beaucoup trop de twists pour que cela ne paraisse pas un peu artificiel. Cette variation chinoise de Contratiempo complexifie encore plus l’histoire originale en mettant en scène ce face à face entre les deux personnages principaux de manière très théâtrale. La thématique principale est modifiée pour devenir en quelques sortes un discours sur la méchanceté des riches et des puissants. Le changement de sexe de celui qui accuse n’est sans doute pas anodin, comme si la Chine avait besoin que l’agresseur soit un homme et que la femme représente plus le calme, comme pour détourner l’attention. Et à cause du surplus de complexification, le scénario perd en crédibilité. Un des protagonistes lance un « Votre histoire est plein de failles » et c’est exactement ce qu’il se passe ici, au point que ce scénario risque de perdre plus d’un spectateur qui ne croira plus forcément à ce que le film est en train de lui raconter. Et comme pour démontrer encore plus qu’il était fier d’avoir roulé le spectateur dans la farine, alors qu’il aurait clairement dû s’arrêter lorsqu’il révèle son coup de théâtre final, le film va montrer ce qu’il s’est réellement passé, s’attardant trop longuement sur certains détails et l’aspect mélo de la chose. Certains de ces détails ne sont au final pas pertinents et ne font que rallonger inutilement la durée du film. On aurait préféré que The Invisible Guest s’arrête lorsque le meurtrier est démasqué car il n’y avait besoin de rien de plus et tout ce surplus d’explications ne vient qu’alourdir un scénario qui n’en avait pas besoin.


Ce remake chinois du film espagnol Contratiempo (2016) a beau être formellement réussi, il se prend les pieds dans le tapis. A vouloir encore plus complexifier le scénario déjà artificiellement complexe de l’original, il perd le spectateur en cours de route.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-invisible-guest-de-chen-zhuo-2023/

cherycok
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le 14 mars 2024

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