Presque…

Justin s’est enfui d’une secte avec son jeune frère Aaron. Depuis 10 ans, ils vivent de petits boulots en croulant sous les dettes. Ils reçoivent une vidéo de la secte et Aaron, qui a de bons souvenirs de cette époque, aimerait les visiter. Justin accepte à contrecœur. Sur place, la secte n’est pas si dangereuse et est même très accueillante. Mais les phénomènes inexpliqués se multiplient, comme le fait que les membres de la secte ne semblent pas avoir vieilli.

Tâche ardue que de mettre en scène un être aussi indescriptible qu’un Grand Ancien. Des mots mêmes de son créateur Lovecraft, ses desseins sont insaisissables pour nous autres pauvres humains et nous paraîtront aberrants. Justin Benson et Aaron Moorhead relèvent un défi vraiment difficile en essayant de filmer le terrain de jeu d’un de ces êtres du point de vue humain. Le choix de l’amusement de la créature est le temps. Cela permet des effets spéciaux à moindres frais, mais également une absurdité tellement déroutante qu’elle horrifie. Et force est de constater que les réalisateurs s’en sortent plutôt bien. L’ambiance est distillée degré par degré, les détails troublants sont semés dès le début et le crescendo de l’épouvante est bien dosé.

Attention, spoilers !

Malheureusement, le film manque d’explications et de cohérence. En effet, si les motivations de la créature restent inconnues (pourquoi pas), ces boucles temporelles sont toutes récentes (à part le cowboy dans sa tente). La clôture des boucles (qui piègent ceux qui se trouvent à l’intérieur) semble aléatoire, mais surtout ne concerne pas les héros. En effet, ils ont vécu assez longtemps dans la secte lorsqu’ils étaient plus jeunes et ont quand même pu s’enfuir. De même, ils traversent les autres boucles sans y rester piégés (alors que la boucle de Carl recommence plusieurs fois avec Justin à l’intérieur, par exemple).

Et les questions sans réponse sont légion. Quel est le délire avec les lunes ? Si elles décrivent la durée de la boucle du camp, alors cela fait 1 mois (grosso modo) et les héros auraient dû être piégés à l’intérieur 10 ans auparavant. Pourquoi détruire le camp à la fin de cette boucle-là (elle ne recommence donc plus ?) ? Quel est le but de ces photographies vieillottes envoyées par le Grand Ancien ? Que sait Hal exactement ? Et Tim alors ? Enfin, pourquoi le Grand Ancien joue avec ses victimes au tir à la corde ou avec la balle du magicien Shane ?

Les réactions sont également bizarres. Hal sait qu’il est piégé dans une boucle temporelle, du coup à quoi rime son équation qu'il ne résoudra jamais (et d’où elle sort) ? Le fait de vendre de la bière n’a plus de sens, leurs biens matériels (denrées, argents, etc.) reviennent à chaque début de boucle). Idem pour tous les membres de la secte qui ne mentionnent jamais ce phénomène tout en s’extasiant sur les 2 lunes. Personne ne semble motivé pour sortir du périmètre, même pas l’épouse éplorée qui a perdu son mari. Et enfin, ça n’a tenté personne de défoncer les piquets magmatiques bizarres pour voir ce qui se passait ? Oui, ceux-là même qui délimitent les boucles temporelles et que Carl a bien identifiés comme tels.

The Endless part d’une bonne idée, mais se perd dans du drame familial gratuit alors que son intrigue principale (et passionnante) suffisait largement à prendre toute la place. La perspective historique (vaguement mentionnée avec les totems) aurait pu donner matière à mesurer l’ancienneté de la présence de cette créature dans ces montagnes. Une véritable enquête à la Lovecratf (dont le film se targue d’être associé) aurait donné une profondeur inquiétante au lieu des disputes fraternelles. Savoir si le grand frère arrêtera d’être con à cause de son devoir envers sa défunte maman ou si le petit frère va enfin tirer sa crampe sont vraiment moins intéressants.

The Endless est très ambitieux et possède quelques indéniables qualités, mais il manque à mon sens de rigueur, tant au niveau de son intrigue que de ses personnages. Une épuration de drame et un questionnement réel des héros auraient vraiment donné quelque chose de chouette. Une prochaine fois, peut-être ?