Particulièrement ému par la dernière pépite de Nuri Bilge Ceylan, je décide de prendre une pause de quelques jours pendant lesquels je n'irais pas voir de films "sérieux". Une semaine après, avec un regard totalement neuf, je m'engage à aller visionner "The Double" de Richard Ayoade, c'est avec plaisir que je m'engage sur le chemin du cinéma, motivé non seulement pour le rapport avec le roman de Dostoïevski, mais aussi par le thème principal. C'est la première fois que j'assiste à un film de ce réalisateur et j'en ressors convaincu.

Le postulat de base est simple: Simon (Jesse Eisenberg) est en proie à une solitude extrême car il vit dans l'indifférence de son entourage, il est amoureux d'une jeune femme (Mia Wasikowska) qui l'obsède totalement. En plus d'être maladroit dans ses rapports avec les autres, le héros est victime d'une malchance sans précédents. L'apparition de son double est une cassure qui l'emmènera à ses retranchements. L'action se déroule dans une société Kafkaïenne où le peuple est au service d'un "Colonel", un monde oppressant, où le comportement du protagoniste principal n'a rien d'excessif. Ce n'est pas du côté de la réécriture que le réalisateur se démarque des mots du romancier russe, mais de celui de la mise en scène qui m'a semblé bluffante.

Car oui, elle est totalement au service du scénario, le parti pris visuel est en symbiose avec les personnages et les lieux. Claustrophobe, oppressante, et renfermée, l'ambiance du film est dérangeante grâce aux nombreux plans composés de cadres dans le cadre. La lumière de son côté n'est pas en reste et c'est ainsi que Simon et sa bande se déplacent à travers des lieux illuminés par un soleil artificiel qui éclaire très faiblement l'espace de bureaucratie. À l'image de cette lumière bleue réconfortante qui fait parfois son apparition, le film bien qu'absolument triste et pessimiste, ne devient jamais trop lourd grâce aux pointes d'humour intelligentes et parfaitement dosées.

Il ne reste plus qu'à parler du talent de Jesse Eisenberg qui fait preuve d'une grande justesse dans son interprétation du timide James, et de son double à l'exacte inverse. Elle, Mia Wasikowska, ne se laisse jamais écraser par son camarade et arrive à dépareiller par sa douceur dans ce monde triste et uniforme.

Je vois dans ce film beaucoup du cinéma que j'apprécie, avec des questions qui nous rapprochent du "Persona" de Bergman et des théories de C.G. Jung sur le Moi et l'inconscient. Le héros en quête de reconnaissance fait face à son double, un véritable Lui, qui l'amènera au bout de son processus d'individuation.

Créée

le 17 août 2014

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