Quelle claque. Pas de celles qui vous assomme d'effets spéciaux. Pas de celles qui vous donne de l'action toutes les 3 minutes. Mais de celles qui vous touche par une profondeur vertigineuse dans le traitement de son sujet.

Nolan est grand. Il nous livre une réflexion encore jamais vue sur la condition du Héros. Mais pas seulement : analyse de ce que représente un soulèvement, constat sans appel sur le monde moderne, . Rarement un blockbuster aura été aussi dense.

Mais reprenons depuis le début. Ce qui frappe en premier lieu avec le dernier opus du Chevalier noir, c'est le traitement du personnage de Bruce Wayne. Le premier tiers du film est virtuose : les raisons pour lesquelles le milliardaire reprends le costume sont simples : c'est son moyen de revenir dans le monde extérieur, bénéficiant d'une importance aux yeux du monde. Alfred le met continuellement en garde ("vous paradez avec vos nouveaux gadgets"); leur relation n'a jamais été aussi poignante. Batman est de retour ! Mais cela signifie-t-il vraiment une bonne chose ? A l'instar de l'orphelin qui souhaite continuellement son retour, le spectateur veut revoir Batman... Même si le monde est en paix. Alors à quoi bon ? Nolan pose ici la question du souhait de voir le héros, pour le spectateur avant tout. Mais cela implique forcément la présence du Mal. Le souhait d'avoir un combat, le souhait de voir le Bien contre le Mal, tel est celui du spectateur en allant voir ce 3ème volet. Tel est celui de Bruce en remettant le costume, au détriment de l'efficacité de la justice (le casse de la bourse aurait sans doute échoué sans la présence de Batman). Le Héros paradant dans ses nouveaux gadgets, voilà ce que recherche au final le spectateur. Et moi le premier : quels frissons lors de la ré-apparition du Chevalier noir dans le tunnel sur sa moto sur les notes de Hans Zimmer... Mais Nolan pose la bonne question : pourquoi ?

Passé ce premier acte à la profondeur déjà incroyable, le destin de Bruce Wayne se dessine, et la réponse à la question précédente devra trouver une réponse. La réflexion que construit Nolan autour de la peur de la mort et de ce que signifie véritablement être un héros est dense... Dense ! Et le soulèvement progressif de Batman vers cette réponse se déroule sous nos yeux. Mais comme dit précédemment, pour cela, le Mal doit être présent...

Bane... Il était complexe de passer après le Joker, summum de l'incarnation du chaos, de l'ennemi le plus complexe de Batman. Et pourtant... Pour commencer, quelle figure visuelle et sonore ! Par sa stature et sa voix, Bane en impose. Comment ne pas être à terre devant une telle confiance en soi, ce que la scène d'introduction montre avec brio : "Of course !". Quelle scène d'anthologie tout de même ! La construction du personnage de Bane est lancée : ses hommes sont prêts à mourir pour lui, avec le sourire. De là à faire un parallèle avec les kamikazes du terrorisme contemporain, il n'y a qu'un pas. Bane incarne le "Mal" moderne : le terrorisme contre le capitalisme. La ligne de dialogue lors du casse de la Bourse résume la lutte de Bane : "Il n'y a rien à voler ici" "Ah bon, et que faites-vous ici ?". Bane incarne la destruction du monde actuel. Et en cela, il incarne une force encore plus puissante que le Joker : là où ce dernier semait le chaos dans le monde actuel, Bane veut lui imposer un nouvel ordre, celui du peuple, à n'importe quel prix. Le premier combat entre le Chevalier noir et Bane est un sommet. La confrontation entre la volonté inébranlable de destruction contre celle de résurrection (mais comme vu plus haut un peu égoïste) est poignante. "Tu te bats comme un jeune homme". Il manque à Bruce la peur de la mort.

Voilà le coeur du film : que signifie être un héros ? La démonstration de Nolan est virtuose. Et la dernière partie du film est là pour le prouver : il faut ne pas avoir de filet de sécurité lorsque l'on saute afin de se transcender... Il faut se donner complètement... De la plus petite des actions à la plus grande, à l'image du message adressé à Gordon. C'est ça un Héros. Et il est clairement impossible de le faire continuellement en tant que Batman car s'imposant uniquement sur les actions de grande échelle : la condition du héros est surhumaine. Et, comme Alfred le fais comprendre au final à Bruce, on ne peut vivre continuellement comme ça si ce n'est au détriment de sa propre vie...

Qui, vraiment qui, peut prétendre délivrer une telle réflexion dans un blockbuster à plusieurs centaines de millions de dollars ? Qui peut délivrer de telles scènes d'anthologie, car ancrées dans une intensité dramatique importante ? Très peu de réalisateurs d'aujourd'hui.

Il est d'autant plus dommage que Nolan se perde sur quelques points dans ce volet, comme les rebondissements toc autour de Miss Tate, les relations amoureuses de Wayne ou encore la scène de mort risible de vous savez qui... Vraiment dommage, car donnant l'impression d'un léger manque de cohérence globale, que The dark knight avait indiscutablement de bout en bout.

Mais qu'importe, Nolan est grand.
Guiguich
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le 3 août 2012

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Guiguich

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