Cadavres ambulants

Depuis le phénomène mondial Dernier Train pour Busan, chaque nouvelle œuvre dans laquelle est impliquée le réalisateur/scénariste Yeon Sang-Ho est attendue au tournant, parfois pour le meilleur (Psychonekinesis, la série Hellbound), parfois pour le pire (Peninsula). Lorsque la série The Cursed (2020) qu’il a imaginée est arrivée sur Netflix et que le monde entier a pu la découvrir, les éloges n’ont pas tardé. Cette histoire en 12 épisodes d’une journaliste confrontée à des phénomènes paranormaux et en particulier à un patron d’entreprise un peu trop adepte de magie noire a séduit le public de toute la planète. Avant qu’une saison 2 potentielle ne débarque, Yeon Sang-Ho imagine le scénario d’un film reprenant les protagonistes principaux et qui serait une suite / spin off avec une histoire indépendante afin que les spectateurs n’ayant pas vu la série puissent malgré tout découvrir le film dans de bonnes conditions, en ayant toutes les clés pour comprendre de quoi il en retourne. Les rênes sont confiées à Kim Yong-Wan (Champion, avec Ma Dong-Seok) et le film rencontre un petit succès en Corée. Il débarque aujourd’hui dans nos vertes contrées chez The Jokers, et c’est l’occasion de découvrir de quoi il en retourne. Il est à noter que, n’ayant pas vu la série, le film sera pris en tant que film tout court, et pas en tant que film dans un univers déjà mis en place par une série. Certains défauts évoqués dans cette chronique ne seront, du coup, sans doute pas valables pour ceux qui ont vu cette dernière.

The Cursed Le Film nous met dès sa scène d’introduction dans le bain, en nous présentant ses « morts animés » lors d’une attaque dans un appartement. La première chose à préciser est qu’il n’est pas ici question de zombies tels qu’on les connait. On va être ici dans de la magie noire pour animer des cadavres, dans du folklore indonésien proche parfois du vaudou et se rapprochant plus des origines du mythe du zombie au cinéma avec un film tel que White Zombie (1932). Alors oui, un labo est impliqué mais on saluera l’effort de proposer autre chose que l’éternelle vision classique du zombie, que ce soit celle de l’école du vrai zombie (Romero) que de celle des infectés (28 Jours Plus Tard). Mais nous ne sommes pas ici dans un film d’horreur, plutôt dans un thriller surnaturel avec une enquête de Police en toile de fond. Le film se divise en deux parties. La première est une course contre la montre avec un antagoniste qui annonce la date et l’heure de ses trois prochaines victimes et tout le mystère autour de ces cadavres qui sont animés pour tuer. L’ambiance y est inquiétante, mystique par moments, et la mise en scène de Kim Yong-Wan est très propre. Une constance dans le cinéma coréen actuel. On sent rapidement que le film a été réalisé avec soin, avec minutie, aussi bien au niveau de la photographie, du montage ou de la bande son plutôt travaillée. On suit l’enquête avec intérêt avec pour point d’orgue à mi- film une scène d’action très impressionnante où une centaine de réanimés encapuchonnés prennent d’assaut un bâtiment, suivi d’une course poursuite automobile du plus bel effet. Une scène haletante, très tendue, jouissive, sans doute la meilleure du film, dotée d’effets spéciaux soignés qui, bien qu’on les détecte assez facilement, sont toutefois bien intégrés à l’image. Malheureusement, cette scène signe aussi le point d’arrêt d’un film qui avait pourtant très bien commencé.

La deuxième partie va se montrer beaucoup trop explicative là où le scénario aurait dû laisser planer le mystère. A partir de là, tout devient trop téléphoné, de l’arrivée du personnage de Ji-So, essentiel à l’histoire, à l’arc narratif impliquant certains personnages secondaires de l’entreprise impliquée indirectement dans ces « morts réanimés », en passant par le dénouement. La dernière partie part également beaucoup trop dans la magie noire alors qu’elle était jusque-là savamment distillée. Tout ce côté folklorique qui était très justement dosé dans la première partie, prend ici beaucoup de place, à grand renforts de CGI et ce « trop plein » fait perdre son exotisme à l’histoire. Le twist final est également prévisible, annoncé de longues minutes auparavant par certaines réactions un peu étranges de la part d’un des personnages, nous laissant au sortir du film sur une impression mitigée. D’autant plus que la vengeance de l’antagoniste, bien que touchante dans le fond, est bien trop tarabiscotée pour qu’on y croie réellement. On regrettera également que certains points du film n’aient pas eu droit à un meilleur développement, comme par exemple la relation entre les personnages de Im Jin-Hee et Baek So-Jin. A en croire les quelques flashback, il semblerait que cette relation soit bien plus présente dans la série mais lorsqu’on fait un film, il faut également penser à ceux qui comme moi ne l’ont pas vue et qui auront du coup l’impression de parfois passer à côtés de certaines informations. C’est dommage car l’interprétation des différents acteurs est des plus solides. Bien qu’on émette quelques doutes sur la jeune Lee Seol (The Divine Fury, la série Less Than Evil) dont le jeu ne semble pas très naturel, le reste du casting s’en sort admirablement bien et les acteurs/actrices) donnent vie à leur personnage avec une grande aisance. Malgré tout, grâce à son rythme assez soutenu, The Cursed – Le Film se suit sans trop de problèmes, certes sans grand entrain mais sans malgré tout passer un mauvais moment.

The Cursed – Le Film est un thriller mystique mi-figue mi-raisin. Après une bonne première partie et une longue scène d’action centrale assez jouissive, le film se prend les pieds dans le tapis et livre un dernier acte en demi-teinte.

Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-cursed-le-film-de-kim-yong-wan-2021/