Ca démarre franchement bien, avec une jolie mise en abime qui laisse présager un double-regard, un film qui parlerait de cinéma. Mais passé une ou deux blagues meta-textuelles, ça s'arrête là. Et derrière les filtres, la lumière, le cadrage, le film ne semble justement... qu'être un pur pastiche, écrit sans réel recul et qui ne profite en rien du fait d'être tourné en 2011, d'avoir un autre regard sur le cinéma. The Artist passe à coté de son propos, misant tout sur le décalage visuel sans profiter de son ancrage dans notre époque pour pousser un peu le bouchon. D'autant plus dommage qu'il sortait à une période idéale, ce moment charnière du cinéma dont les paradigmes sont en train de changer.
L''écriture dans l'ensemble est pauvre, l'histoire d'amour cousue de fils blancs (sur fond noir) très apparents, la destinée des deux protagonistes linéaires et prévisibles, et surtout, rien ne vient étoffer l'ensemble, très léger jusqu'à une fin un peu téléphonée. Très peu si pas de surprise. Les rares moments où il s'autorise à quitter son chemin hyperbalisé, Hazanavicus n'ose aller au bout de son idée, se permettre la vraie folie (ou la vraie réflexion) car toutes ces séquences s'avèrent oniriques ou justifiées par l'état d'ébriété avancé du protagoniste. De ce coté là pas énormément d'investissement émotionnel non plus... A nouveau on doit plus à la forme qu'au fond car le casting s'en sort très honorablement. Jean Dujardin est plus plastique / élastique que subtil mais il faut dire qu'il rend très sympathique un personnage pourtant fin comme du papier à cigarette. Même chose pour Bérenice Bejo : à l'écriture, Peppy Miller est quelconque mais l'actrice lui prête tout son charme.
Du coup, malgré tout, cela fonctionne, au moins sur le plan du divertissement. Passé un ventre mou au milieu du film, on le regarde sans déplaisir, en appréciant en arrière-plan le personnage de James Cromwell, et en absorbant l'enthousiasme et le plaisir ultra communicatif de la toute dernière séquence. Ce qu'il y a à aimer dans The Artist, ce n'est pas tant l'objet film en soit que son existence ici et maintenant, c'est l'intention plutôt que le résultat. Le genre d'intention qui donne envie de cocher "coup de coeur" sans que le film ait forcément fait battre le votre... Pourtant tout lui est adressé, car The Artist s'apprécie si l'on oublie toute ambition narrative, si l'on déconnecte un peu les neurones pour se laisser porter par une belle distribution et une musique (anachroni... chut le cerveau) très réussie. Je regrette juste que le film ne m'ait été plaisant que parce que me ramenant à des souvenirs d'enfance, faisant vibrer la corde de la nostalgie... Dommage pour un film dont le seul message apparent soit "s'adapter ou mourir", "vivre avec son temps".
La grande qualité de The Artist, c'est donc son audace formelle, son pari un peu fou... en somme, c'est d'être muet. Son grand défaut étant de n'avoir rien à dire.