Si un film devait obtenir le prix du scénario le plus singulier, bizarre et perché du mois – voire de l’année, « La société américaine des Noirs magiques » se poserait certainement en concurrent très sérieux. Il n’y a qu’à voir le titre qui s’avère tout sauf mensonger. On hésite : il faut autant penser à une tentative provocatrice et contestataire de métaphore à tendance idéologie woke extrême ou à un film de magie pour enfants mettant en avant le peuple afro-américain. Ni totalement la première et pas vraiment la seconde, ce long-métrage en forme d’OFNI (Objet Filmique Non Identifié) est totalement inclassable. Au final, on y voit un jeune afro-américain être recruté par un autre plus âgé au sein de ladite société du titre qui s’occupe de gérer et amoindrir le mal-être des blancs lorsqu’ils se retrouvent présence des Noirs. Vous êtes interpellés par un tel synopsis ? Outrés par un tel postulat? Vous pensez à une blague? Que nenni! Il est difficile de croire qu’un tel pitch a eu l’aval d’un studio (en l’occurrence Focus Features, filiale d’Universal) mais ce film et son scénario sont bien réels. Et avec ce sujet, il se range à la fois dans le rayon des comédies fantastiques à tendance magie et celui des films à forte connotation sociale et politique. Un sacré mélange qui intrigue lors de son premier tiers par son originalité bien qu’on ait toujours en tête cette impression de malaise dû au script. Mais celle-ci est couplée à la tonalité plutôt joyeuse et positive de l’ensemble accouchant d’une œuvre qui a le cul entre deux chaises. Bien sûr, à l’heure de la cancel culture et du politiquement correct on ne devrait pas s’offusquer car on devrait pouvoir parler et traiter de tout. Disons qu’on n’est pas habitué à ce genre de proposition... Mais sans être dans le mauvais wokisme et en tenant finalement un discours assez timoré, ce drôle de film plutôt que ce film drôle se tire ensuite une balle dans le pied et rate tout ce qu’il entreprend.


En effet, passé ce fameux premier tiers où on se demande si on n’hallucine pas, « La société américaine des Noirs magiques » dévie dangereusement vers le film sentimental et perd toute sa différence. Comme si Kobi Libii avait peur d’aller trop loin avec son concept. On est loin d’une autre bizarrerie du genre qui parlait aussi de la diversité et des différences raciales de manière peu commune : il s’agissant de « Sorry to bother you » avec Lakeith Stanfield. Une œuvre étonnante, brillante et maîtrisée, tout ce que celle-ci n’est pas même si visuellement il y a quelque chose et que l’image est agréable. Cependant, après l’étonnement de la première demi-heure qui nous pousse à nous demander où tout cela va nous mener, on s’ennuie ferme. Cette histoire romantique de triangle amoureux dans le milieu du travail prend toute la place et nous plonge dans une torpeur sans nom. Et, en plus, le long-métrage devient terriblement bavard. Des tunnels de dialogue tantôt vides (l’aspect sentimental) et tantôt pompeux et lourds. On ne sait d’ailleurs pas trop ce que l’auteur a tenter de nous dire au final, le film ayant même été taxé de raciste par certains critiques à Sundance alors que le but affiché était plutôt inclusif si on ne se trompe pas. On est ici face à l’exemple parfait d’un film à high concept, aussi particulier et étrange soit-il, qui n’a pas les moyens de ses ambitions et foire son idée plus les minutes passent. Quant à tout ce qui concerne la société magique et ses multiples possibilités visuelles et thématiques, quasiment aucune ne sera développée ici, rendant le tout frustrant et tout sauf magique avec des séquences parfois gênantes ou à côté de la plaque. À éviter!


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JorikVesperhaven
4

Créée

le 28 mars 2024

Critique lue 832 fois

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Rémy Fiers

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