Marc Webb semble être un type bien, à l'évidence. Car un gars qui a mis en scène le formidable (500) Jours Ensemble ne peut pas être totalement mauvais.


Sauf qu'il avait un nom prédestiné, Marc. Pour tourner un Spider-Man, à coup sûr. Mais aussi, en cas de gadin, voire de grosse toile, pour que le public et la critique professionnelle carnassière s'en donnent à coeur joie dans un concert de jeux de mots, du genre : « Marc Webb s'empêtre dans sa toile ».


Marc Webb a aussi la malchance de passer après la trilogie fondatrice de Sam Raimi. Tout comme il a eu la malchance de ne pas avoir les épaules assez solides pour résister à la pression d'un grand studio. Ou encore le courage de s'imposer dans ses choix artistiques.


Ainsi, dès les premières secondes, le chaos de la production de The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros saute aux yeux, avec cette séquence aérienne qui a tout de la greffe effectuée en toute hâte, après une sortie de projection de The Dark Knight Rises. Constamment décadrée, mal filmée et quasi incompréhensible, cette scène a tout de la note d'intention inconsciente sur ce qui va suivre à l'écran. Au moins sera-t-on prévenu. Même si les opiniâtres se seront quand même infligé le supplice pour la gloriole - ou le grand plaisir masochiste - de mettre 1 sur le site.


Et si The Amazing Spider-Man essayait de relever le gant, en émargeant cependant dans la catégorie du film sympa sans plus, son petit frère souligne suant à lui une sorte de renoncement. Une démission. Voire un sentiment de résilience quant à sa véritable nature. Un film qui doit être mis sur les rails pour justifier l'exploitation d'un contrat de licence bien juteux, au mobile purement économique, sous peine de perdre la poule aux oeufs d'or, au profit de la concurrence à l'univers bien étendu aujourd'hui.


Au point de pousser le spectateur à faire clairement son deuil.


Oh ! Rassurez-vous. Pas à cause du trépas de Gwen Stacy, loin s'en faut. L'amourette adolescente dérisoire et assez énervante s'est chargé de dévitaliser cet aspect du film, au point que, même si celui-ci réinterprète la chute iconique, l'on ne ressente absolument rien, dans un vide du coeur qui saisit instantanément. Au point que l'on reste insensible face aux larmes de Peter, ou face à celles que l'on devrait normalement verser, comme à l'époque de la sidération originelle éprouvée à la lecture du comics d'origine. Dans un temps où il était inenvisageable de liquider un personnage si proche du héros.


Si bien que Le Destin d'un Héros échoue lamentablement sur ce point, alors même que Marc Webb avait sans doute été engagé pour rééditer son approche en forme de petit succès romantique indé.


Mais si cette absence criante de réaction signe la véritable faillite de l'entreprise, elle est cependant loin d'être la seule à souligner, même si toutes ne sont pas à mettre sur les épaules du réalisateur. Que peut faire Marc, en effet, quand on lui intime l'ordre de respecter les desideratas de Sony, lourds comme un trente-huit tonnes et devant assurer, à la fois, un épisode trois et une extension de l'univers, du côté des Sinister Six ?


Que peut faire Marc quand on lui fourgue un scénario truffé de coupes sombres et de trous béants ? Que peut-il faire pour essayer d'atténuer le ridicule du personnage de Max Dillon, réduit à l'image d'Epinal du geek idiot et pleurnichard faisant une fixette sur son nouvel ami super-héros ? Le tout sur une entreprise de plus de deux heures vingt ?


Ce triste constat fera sans doute fuir la majorité de ceux qui ne se sont pas encore frotté à l'oeuvre. Ils ne devraient pas plus revenir si je leur révèle que Electro est carrément pompé , dans sa représentation, sur le Docteur Manhattan de Watchmen, tout en en illustrant qu'un très faible ersatz pas très inspiré.


Sauf que le masqué va encore une fois défier la médiocrité de ce qu'il vous a décrit pour essayer de sauver ce qui peut être là-dedans.


Car tout d'abord, Le Destin d'un Héros suit les pistes ouvertes par son aîné en explorant les raisons de la fuite des parents de Peter, tout en essayant de les raccrocher, plutôt adroitement, à la trame principale Oscorp. Tout comme il propose quelque chose d'un petit peu neuf concernant l'héritage de la malédiction affligeant la lignée des Osborn, même si cela a pour conséquence de contribuer à un trop plein du côté des méchants mis en scène.


Et puis, il y a ces images fugaces de la mauvaise conscience de Peter, incarnées par le fantôme du Capitaine Stacy. Sous utilisées, mais qui auraient pu constituer un formidable ressort dramatique pour l'évolution du couple, en lieu et place d'atermoiements dérisoires et d'une menace de séparation géographique.


Dommage, ensuite, que la scène où Max Dillon existe réellement, celle en plein Times Square, soit finalement orpheline. Alors qu'enfin, son isolement et la colère qui affleure sous cette naïveté sont incarnées et suscitent l'empathie, en sortant le personnage de son archétype ridicule en disant long sur la considération de Sony pour son coeur de cible.


Et enfin, il y a cette action colorée et plutôt bien emballée. Virevoltante, recyclant d'assez belle manière l'anticipation de certains évènements telle qu'elle a pu être illustrée par le Guy Ritchie de Sherlock Holmes ; sans doute à mettre au crédit de l'équipe de prévisualisation.


Le masqué lâchera donc une de ces notes pétées dont il a le secret. Tout cela parce qu'il ne peut totalement détester ce Destin d'un Héros. Parce qu'il se plaît à imaginer que certains moments fugaces ne peuvent être le fruit du hasard et suffisent à son bonheur. Parce que certaines intentions, parfois à peine traduites, trouvent un écho démesuré en lui.


Vous penserez sans doute, à la fin de ce billet, que la défense des canards boiteux a ses limites. Mais pas le supposé mauvais goût du masqué en matière de super-héros.


Behind_the_Mask, ♫ Le masqué... Le masqué... Est un être bien singulier... ♪

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le 15 nov. 2020

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The Amazing Spider-Man - Le Destin d'un héros
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En fait un mec qui s'appelle Marc Webb, il est destiné à réaliser un film sur Spider-Man... Non ?...

Le nouveau Spider man, je l'attendais un peu. Parce que le précédent était une franche rigolade, et assez ringard comparé à la trilogie de Raimi (nous dirons d'ailleurs diptyque, le troisième film...

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