Tesis
7.1
Tesis

Film de Alejandro Amenábar (1996)

Monsieur Amenabar, il faudrait que vous m'expliquiez

Monsieur Amenabar, il faudrait que vous m'expliquiez. Je sais bien que vous aviez un budget de fermier bangladais, je constate que c'est là votre premier film et que de surcroît vous n'aviez que 23 ans, soit 1 de moins que moi aujourd'hui. A votre âge moi je me contentais de mettre des buts sur fifa à mon copain Victor qui n'est même pas bon, donc autant dire que j'ai le plus grand respect pour votre long-métrage précoce. Mais tout de même, pourquoi ce titre? Au sein de la diégèse, la thèse du protagoniste s'avére n'être qu'un point de départ et les promesses des premières minutes, d'une réflexion autours de la violence télévisuelle et de ce tandem de fascination et de répulsion qui l'accompagne sans faillir, sont bien vite avortées. Dès le départ, on nous vend un protagoniste qui sort du rang pour voir un quidam éventré(et ceci est montré avec des ralentis qui ont la finesse des purges staliniennes), un sujet sur le bien-fondé de la violence à la télévision, des recherches sur les images les plus violentes d'Espagne(qui contiennent au moins la moitié de la carrière de Sergio Ramos)... Jusque là c'est la joie. Youpi.


Ensuite on nous introduit le seul acteur convaincant du film, le voyeur au grand coeur, qui se fait copieusement prendre de haut par votre Claire Chazal du torture porn, justement parce qu'il est consommateur de ce genre de contenu et parce qu'il habite dans des décors bien moins convaincants que son jeu d'acteur, mais pour ce deuxième point je la pardonne. Et lui aussi manifestement, puisqu'ils vont enquêter ensemble sur une VHS qui tue des asthmatiques. Il faudrait aussi que vous m'expliquiez pourquoi ces personnages collaborent, puisque de toute évidence ils ne viennent pas du même monde et ne s'entendent pas(l'un écoute du métal et l'autre du classique, clairement on est face à de la dentelle niveau caractérisation) et qu'en plus, rien ne les contraint à se fréquenter.


Et à partir de là, poubelle la thèse. Certes, on la mentionne ça et là, on fait même une rencontre avec le professeur qui remplace l'asthmatique défunt à la direction de la thèse. Mais les mentions de celle ci sont plus une marotte qu'un sujet de discussion, et la réunion ne donne absolument rien, puisque madame ne coopére en rien avec son interlocuteur, qui est pourtant plein de bon sens. Et Mal intentionné mais ça elle n'a aucun moyen de le savoir et donc cela n'excuse pas son comportement agaçant. On retrouve ça également quand elle est convaincue qu'un camarade de classe est un assassin, alors que les seules "preuves" sont qu'il possède un camescope d'une certaine marque et qu'il connaissait une étudiante qui s'est faite tuer. Dans une école de cinéma, virtuellement tout le monde a une caméra et connait de vue les autres étudiants, ce qui fait que c'est quand même un peu léger comme réquisitoire... Enfin bref, fini les recherches sur la violence à la télé, maintenant on est dans une enquête plus classique.


Alors, Monsieur Amenabar, j'ai pensé que peut-être cette thèse sur la violence était en sous-texte de votre propre film. Mais là aussi, j'avoue être désarçonner. Je comprend que vous me martelez que la violence, c'est pas bien mais qu'on ne peut s'empêcher de regarder. Vous le dites lors de l'ouverture, vous le dites avec des inserts sur des yeux entre les doigt d'une main qui n'essaie de les couvrir qu'en apparence, vous le dites lors de la conclusion... Si on ajoute que les spectateurs qui se dirigent vers votre film sont pour la plupart là pour voir des horreurs qu'ils ne sauraient supporter hors d'un écran, je pense qu'on peut affirmer que tout le monde adhéraient à l'idée avant même le générique de début et qu'un peu moins d'insistance aurait été salutaire. Pourtant, ce que je vois dans votre film ne correspond pas à ce message. Il n'est ni dérangeant par sa violence, ni fascinant pour sa violence. Le manque de budget se fait sentir et n'est hélas pas compensé par une mise en scène qui suggère convenablement. Les contre-champs sur votre actrice qui surjoue un personnage désagréable ne me permettent pas de croire que quoique ce soit d'insoutenable se passe devant ses yeux. Il y a bien une poche de faux sang qui éclate et quelques claques à la fin, ça aurait sûrement été effroyable dans un Dracula de la Hammer dans les années 50 mais en 1996, c'est plutôt soft.


Si à cela on ajoute un formalisme bancal, notamment sur les points suivants:



  • Les personnages sont tous archétypaux.

  • Les retournements de situation constants et assez peu inspirés, dont une scène de rêve des plus balourdes.

  • Le cadrage et les péripéties sont quelconques.Les scènes de course poursuite ont mangé mon âme avec des fèves au beurre et un excellent chianti.

  • Les effets de réalisation sont pour la plupart ridicules. Entre accélérés, inserts et ralentis, on urine sur mes rétines et sur ma capacité à comprendre bien trop souvent à mon goût.

  • La musique est au mieux cliché et au pire laxative. Mention spéciale à la scène dans la boîte de nuit, qui a pourtant une belle lumière mais une musique techno composée par Satan. Un peu comme si celui qui urinait sur mes rétines avait changé d'angle pour se focaliser sur mes oreilles le temps d'une valse.


A l'arrivée, le résultat est immature et maladroit, et flirte souvent avec le déjà-vu et le ridicule. Alors, reconnaissant tout de même quelques aboutissements tels que la lumière de la boîte de nuit, du rêve, de la scène dans les canalisations ou encore l'usage de caméscope pour certain plans qui parvient à ancrer le récit et la violence dans le réel en leurs conférant un côté found-footage pertinent, Monsieur Amenabar expliquez moi: qu'en est-il de votre thèse?

oulianov
5
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le 1 nov. 2020

Critique lue 401 fois

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oulianov

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