Un ex-trafiquant de cocaïne en passe de replonger se retrouve aux prises avec son ami, un agent fédéral qui a pour mission de l’arrêter, et qui en plus lui dispute l’amour d’une ravissante businesswoman, devenue pour chacun un outil pour l’emporter sur l’autre. C’est mélodramatique à souhait, et avec ses histoires de cocaïne, de restaurants huppés, de plages ensoleillées, de chemises hawaïennes et de cheveux gominés, 80’s en diable.


Malheureusement pour lui, le film se vautre complètement sur son scénario, même si je pense qu’on peut plus mettre ça sur le compte de Robert Towne le metteur en scène que sur celui de Robert Towne le scénariste, qui a au moins le mérite d’être ambitieux.


Car ce qui se distingue ici, c’est l’intrigue tortueuse à souhait, en tout cas beaucoup plus que la plupart des thrillers policiers 80’s, traditionnellement directs voir rentre-dedans. Pas surprenant de la part de l’auteur de Chinatown. Mais malheureusement, ce qui se distingue aussi, c’est l’incapacité qu’a Towne de rendre son récit lisible et engageant à l’écran.


Souffrant d’un manque cruel d’inventivité derrière la caméra, voire même tout simplement de quelques bases en termes de dramaturgie, il laisse ses scènes se dérouler platement, avec des tunnels de dialogue qui ne font que rendre plus confusant l’univers alambiqué qui contient le récit. Exemple : un pistolet bien précis, qui est crucial dans l'intrigue mais auquel on n'accorde aucun gros plan, aucune attention particulière avant qu'il se révèle justement crucial. Donc on ne comprend pas tout le tintouin autour de ce flingue au moment où ça arrive.


Mais c'est valable pour le reste du film, où l'on se demande qui sait quoi et depuis quand, qu’est-ce qui s’est passé entre ces deux scènes, comment ça se fait que ce personnage se trouve ici, et comment est-ce que nous on en est arrivé là, etc. Et du haut de ses 2h, ça devient franchement pénible.


D’autant plus que le film, langoureux à souhait, refuse toute action, tout moment un peu nerveux. A la place, il faut se coltiner un triangle amoureux sur fond de trafic de drogue, et on sent que Robert Towne est uniquement intéressé par les possibilités dramatiques permises par l’entremêlement des tourments amoureux et ceux de la vie criminelle de haut-vol. Car n’est-ce pas la même chose au fond, hein ?


Mais il a beau monter les potards de son récit à fond, à grand coup de monologues, de punchlines, de grands gestes dramatiques et de retournements de situations, le film continue à nous tenir à distance et son intrigue à nous passer sous le nez. Encore une fois, c’est parce que la mise en scène est plate et incapable d’articuler correctement ce récit mêlant intrigue amoureuse tortueuse et récit policier alambiqué. Le dernier acte du film devient donc un sommet d'incompréhension, où les allégeances et les agissements de chacun ne semblent avoir ni queue ni tête (alors qu’au fond, je suis sûr que si). Il faut vraiment se coltiner cette dernière demi-heure.


Le fond de l’affaire pêchant donc salement, heureusement que le film se rattrape un peu sur la forme. L’affiche en est un indicateur, c'est un régal en termes de patine 80’s, pour le meilleur comme pour le pire. Il faut en effet se cogner des excès plus gênants que drôles, comme la sexe de cul au ralenti dans le jacuzzi, à grand coup de gesticulations torrides sur fond de saxophone et de basse funky. Mais à côté, d’autres excès sont assez savoureux, à commencer par la photographie du légendaire Conrad Hall, qui capture une côte californienne dont le soleil omniprésent et la plastique parfaite contraste avec le monde obscur et trouble qui prend place autour de ses ports, la nuit.


Le côté papier glacé de l’ensemble, avec ses couleurs vives et glamours, ne correspond peut-être pas tout à fait aux concepts actuels du cool et même du bon goût, mais le côté vintage et excessif de l’ensemble a, je trouve, un certain charme. En voyant Mel Gibson s’avancer entre les palmiers d’une plage californienne vers sa maison, sa chemise d’un bleu aussi profond que celui de la mer, difficile de ne pas avoir envie de déguster une de ces fameuses tequila sunrise. C’est assez marrant, le classieux d’hier devenu le criard d’aujourd’hui.


Mention spéciale pour une scène de dialogue à contre jour, où Kurt Russel et Mel Gibson se parlent sur les balançoires d’une plage au crépuscule, le ciel étant alors enflammé de orange et eux n’existant que comme silhouettes noires. Imaginez le logo d’une bouteille de Malibu prendre vie. Ça synthétise la vibe visuelle du film.


Côté casting, on a trois acteurs talentueux auxquels on sert trois personnages bien définis et individualisés, alors ça passe. Heureusement qu’ils ont le talent nécessaire pour servir les tunnels de dialogues dont je parlais plus haut, car si ceux-ci ne servent pas le film dans son ensemble, au moins les comédiens qui les portent restent hyper-regardables, pour ne pas dire photogéniques. Ça aussi c’est assez représentatif du film.


Bref, pour les complétistes 80’s qui n’ont pas peur des intrigues fouillées/fouillies, et seulement ceux-là.

ClémentLepape
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le 9 avr. 2022

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Clément Lepape

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