Telepolis
7.3
Telepolis

Film de Esteban Sapir (2007)

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Telepolis est un véritable ovni cinématographique datant de 2007, le film est réalisé par l'argentin Esteban Sapir et raconte de façon symbolique sous la forme d'un conte pour enfants comment la télévision pourrait très vite asservir totalement nos esprits déjà bien endormis.


Dans ce monde étrange les habitants ne parlent plus depuis longtemps déjà ayant perdus leurs voix; ils ne communiquent plus qu'avec des mots comme des sous titres de film. Mais pour le dictateur Monsieur Télé c'est encore beaucoup trop car il ne souhaite rien de moins que définitivement mettre la ville et le peuple à ses pieds dans un asservissement total. Pour se faire il projette d'utiliser la toute dernière voix existante pour définitivement hypnotiser le peuple et le priver ainsi de son dernier mode d'expression.


Telepolis est donc une fable tout à la fois naïve et profonde sur l'état léthargique dans lequel nous plonge la consommation abusive d'une télévision au service du pouvoir. Mais le film d*'Esteban Sapir* est surtout un formidable ovni dans une production cinématographique moderne qui prend le parti radicale de ressembler à un vieux film muet et en noir et blanc des années 20/30. A une époque ou trop souvent le cinéma se doit d'être cliquant de couleurs et monstrueusement bruyant, Esteban Sapir revient à une essence presque artisanale du cinéma en réalisant son film avec plus d'imagination que de moyens renvoyant à une forme brut et naïve d'expression pas si éloigné de celle que vante Michel Gondry dans Be kind rewind. Fatalement les images de Telepolis sont en adéquation parfaite avec le sujet comme avec l'aspect fable utopiste de son traitement, Esteban Sapir utilisant notamment les sous titres et les mots comme des éléments faisant intégralement partie de l'image; ainsi un rond de fumée devient un O, deux doigts se transforment en V et il n'est pas rare de ne voir un texte qu'au dernier moment quand celui ci est caché par un personnage au premier plan. Les sous titres ne sont pas ajoutés à l'image mais font intégralement partis du visuel de celui ci.


Telepolis peut se vanter de posséder un univers graphique riche et extrêmement poétique dans lequel les montagnes sont des feuilles de livres chiffonnées, une lettre se transforment en danseuse de papier et une mystérieuse femme sans visage se dessine des yeux et une bouche dans la buée d'une vitre. Un conte graphique comme une poésie à la fois un peu enfantine dans sa forme et très adulte dans le fond, un film dans lequel les images du pouvoir de monsieur Télé renvoient par certains aspects aux divers dictatures sud -américaine et bien sûr le régime nazi de la seconde guerre mondiale. Telepolis fait également beaucoup penser au 1984 de Orwell, à Brazil de Terry Gilliam ou Métroplis de Fritz Lang Car Telepolis est aussi par évidence un formidable hommage au cinéma muet, aux film de Méliès, avec une formidable référence au Voyage dans la Lune, mais aussi à l'expressionnisme allemand de Fritz Lang et Murneau. Et comme tout film muet de la grande époque Telepolis est portée par une musique quasi omniprésente renforçant à chaque secondes l'aspect narratif du récit et les émotions des personnages. Le film de Esteban Sapir possède de véritable moment de grâce tant visuelle que symbolique comme lorsque les mots, dernier mode de communication du peuple, s'envolent des pensées des habitants endormis et hypnotisés par la télévision pour partir vers une usine à la machinerie implacable qui les broient pour en faire des produits de consommation; et le simple fait de voir des mots comme espoir, amour, paix ou bleu réduit à l'état d'objet manufacturés me donne un délicieux frisson de colère et de tristesse.


Il ne manque peut être qu'une toute petite chose à Telepolis pour s'imposer comme un chef d'œuvre, et cette chose c'est l'émotion qui ne vient que trop peu souvent s'inviter dans ce somptueux livre d'images puissantes mais parfois un peu froides. Telepolis reste un film assez remarquable pour peu que l'on prenne le temps de s'embarquer dans l'univers de Esteban Sapir qui n'est pas si facile et immédiatement séduisant . Pour les plus ouverts ou courageux des cinéphages il y a de grande chance qu'au bout du compte Telepolis reste comme une formidable expérience visuelle et idéologique, ouvrez vos cœurs et vos esprits pour regarder l'écran, avant que ce ne soit l'écran qui vous regarde.

freddyK
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le 30 mars 2021

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Freddy K

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