Teeth est un OFNI, étrange. C'est borderline, prix entre deux genres : le comique, et l'horrifique. Sans être trop parodique, ni trop nanardesque (bien qu'on ait l'impression de baigner dedans à de nombreux moments), le film marche sur un fil, et il n'y aurait qu'un pas à franchir pour sombrer totalement dans l'un ou l'autre. Fort heureusement, Mitchell Lichtenstein sait ce qu'il fait et maîtrise totalement son délire, capable d'allier humour noir et situations malaisantes sans jamais tomber dans l'outrance vulgaire, tout en gardant un sérieux total.


Son personnage principal, Dawn, est un élément essentiel du ressort comique : la jeune fille est une prude acharnée à garder sa virginité jusqu'au mariage. Mais le plus drôle est de la voir s'éveiller à la sexualité au travers de ses livres de biologie et de tenter de s'ajuster à la particularité de son vagin denté. Le film se permet une satire drolatique de la chasteté imposé par l'Eglise et ses conservateurs fanatiques, pointant les femmes comme des tentatrices diaboliques devant des foules d'enfants en liesse. C'est la candeur de Dawn, opposé à l'inévitable violence scabreuse de sa situation des plus cocasses, qui crispent et prêtent à rire.


Au-delà, c'est le discours écolo (avec cette espèce de leitmotiv autour de la centrale nucléaire en arrière-plan) et post-féministe de Teeth qui intéresse, et la cruauté avec laquelle il s'acharne à émasculer et mutiler les hommes en rut qui le peuplent. Autant la physionomie de Dawn est le cauchemar de tout homme, autant il est – on a tous le droit à un petit défouloir de temps en temps – à la limite du jouissif de voir des violeurs en puissance se faire démembrer, et perdre tout à coup leur potentiel viril à une vitesse affolante.


C'est la sexualité de Dawn qui est au centre de tout, et la manière dont cette adolescente qu'on avait jusque-là bridé et culpabilisé pour être une femme, va découvrir la dangereuse puissance qu'elle peut en tirer, et prendre sa revanche. Elle devient une prédatrice, mais n'abuse que modérément de son pouvoir, quand la situation s'y prête.


Teeth, c'est un peu comme si Carrie White – avec qui elle partage une fidélité sans bornes à Dieu, la virginité, l'ignorance de son propre corps et l'humiliation par ses consorts – s'était découvert l'appétit castrateur de tous ces rape & revenge à la I spit on your grave, avec l'apparente innocence de nymphe d'Amber Heard dans All the boys love Mandy Lane. A la différence près que les moyens sont plus radicaux et explicites.

Lehane
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste L'adolescence au cinéma

Créée

le 6 févr. 2016

Critique lue 814 fois

6 j'aime

Lehane

Écrit par

Critique lue 814 fois

6

D'autres avis sur Teeth

Teeth
Kenshin
7

Purity Ring.

Je n'ai pas peur de le dire, ce film est réussi. Pourquoi? Ce film est un film écolo et c'est assez évident, que je me demande même pourquoi je souligne ce point. La mutation génétique de Dawn (un...

le 2 mai 2013

21 j'aime

2

Teeth
Ezhaac
7

Jess Weixler, pressentie pour Irreversible 2

Avec sa chouette direction photo, sa mignonne actrice et ses personnages si cul-bénis qu'ils en deviendraient presque attendrissant, on pourrait prendre Teeth pour un film gentillet, de loin. Mais...

le 30 nov. 2010

13 j'aime

1

Teeth
Pravda
6

(en)rage dedans

L'actrice principale Jess Weixler, inconnue au bataillon pour moi, est une bonne surprise. John Hensley, en bad boy caricatural à souhait n'est pas crédible deux secondes. L'esthétique soignée du...

le 6 sept. 2012

9 j'aime

Du même critique

Skins
Lehane
9

Sometimes I think I was born backwards.

Quand t'as treize ans et que t'es mal dans ta peau, une série comme Skins acquiert rapidement le statut de petite révolution dans ta vie télévisuelle, et dans ta vie en générale. D'ailleurs, c'est la...

le 14 juin 2013

166 j'aime

21

The Last of Us
Lehane
10

Lettre à Ellie

Ça fait quatre jours, moins de quatre-vingt-seize heures, et je ne m'en suis toujours pas remise. Oui, j'ai peur, parce qu'il faut que j'écrive à quel point j'ai aimé The Last of Us. Je dois,...

le 26 août 2014

127 j'aime

41

Scream
Lehane
9

Don't kill me, I wanna be in the sequel !

Le hic avec Scary Movie, c'est qu'en parodiant Scream, il parodie une parodie ce qui, forcément, conjure vers une caricature grotesque et grasse d'un genre qu'avait déjà fait renaître Wes Craven en...

le 19 juin 2014

72 j'aime

13