Éric Tabarly n'aimait pas les mots de trop.
À l'image de ce film, je vais tâcher de rester synthétique.


Tabarly. Un nom d'outre-tombe. Un souvenir qui sent bon l'embrun et les archives télévisuelles de l'INA. Une vieille histoire d'une autre époque.


Il était une force de la nature, sculptée depuis la matière brute des plates-formes de ses bateaux. L'effort à répétition, d'abord sur les chantiers et ensuite dans les courses folles avait développé sa silhouette impérieuse. Ses larges épaules, hypertrophiées à force de hisser les voiles plus haut que tout le monde, portaient ses navires au-dessus des vagues.
De se coffre insondable, ne s'échappaient que de rares paroles. Pourquoi l'ouvrir si le moment ne le mérite pas ? Les journalistes, toujours en quête de déclarations-vérités, demeurèrent perplexes devant la dualité d'un homme conquérant sur l'eau mais impitoyablement taiseux à terre.


Éric Tabarly n'en avait cure. Il préservait ses mots. Il les soupesaient avant chaque prise d'air. Pourtant son sourire malicieux, tellement doux et modeste, niché au cœur de cette masse de roc dur, paraissait répandre la tendresse sans retenue.


Ce film a capturé ses lâchers-prises. Les seuls moments ou rompre le silence en valait vraiment la peine. Tabarly se raconte tout seul, il n'a besoin de personne, et les quelques gens qui l'ont côtoyé complètent l'ébauche du récit de sa vie. C'est encore Kersauson, son fidèle apprenti, qui en dresse un portrait si simple et si vrai, en quelques syllabes, dans Ocean's songs:



Éric n'a jamais été inférieur à son destin. C'était mon maître.



Et puis un jour, Tabarly s'est éclipsé. Il a quitté les pays pour se domicilier au large. Il rejoignit son royaume.
Mais il n'est pas mort, oh que non. Ces gens-là sont trop précieux pour s'étioler dans le flou du ciel. Il n'a juste plus besoin de poser le pied sur notre terre, et ses escales se feront désormais sur les atolls inaccessibles.


Je sais qu'un Pen Duick vogue encore à l'horizon, en ce moment, sur toutes les mers du monde, invisible à notre perception, où il continue de tisser des liens ténus mais puissants entre l'Homme et l'océan.

Liverbird
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes À la lisière du Top 10, Les meilleurs films européens et Critiques vues

Créée

le 7 nov. 2016

Critique lue 549 fois

19 j'aime

16 commentaires

Liverbird

Écrit par

Critique lue 549 fois

19
16

D'autres avis sur Tabarly

Tabarly
VincentBruneau
10

L'histoire VRAIE d'une légende !

Tabarly était un génie, un visionnaire, le père de la voile moderne, mais c'était avant tout un très grand homme. Ce film raconte donc en toute simplicité l'histoire passionnante de cet homme aussi...

le 5 oct. 2013

12 j'aime

7

Tabarly
SBoisse
9

Le rêveur de vies

Je me souviens d’une étrange manie de mon premier chef de service, lors des entretiens de recrutement, il interrogeait l’impétrant sur son maître à penser. J’ai oublié ma réponse. Aujourd’hui, je...

le 28 nov. 2022

10 j'aime

Tabarly
SeigneurAo
9

Beware, cheesy review

("Attention, critique guimauve", pour les anglophobes) À l'heure où la loi permettant à deux êtres de se marier sans distinction est en passe d'être adoptée, voilà un film contant l'amour. D'un homme...

le 12 avr. 2013

9 j'aime

5

Du même critique

Melancholia
Liverbird
5

Armageddon sous anxiolytique

C'est pas ma came, comme dirait l'autre ... J'ai essayé pourtant, je le jure, en toute bonne fois, sans aprioris sur le bonhomme, curieux de découvrir cet objet tant vanté par les critiques. Mais je...

le 6 mars 2014

93 j'aime

21

Interstellar
Liverbird
9

Une madeleine dans l'espace

Les grands films éclatent les bords de l'écran. ils sont bien trop volumineux pour être contenu dans leurs cadres étriqués, bien trop grandioses pour se contenter de cette pauvre condition. Alors ils...

le 19 nov. 2014

55 j'aime

16

There Will Be Blood
Liverbird
9

Des hommes d'influence

Tout d'abord, There Will Be Blood c'est un prologue. Une immersion au fond d'une mine noire et muette où de roches insondables et compactes provoquent la volonté humaine. La pioche forcenée du...

le 19 juin 2015

51 j'aime

6