Depuis longtemps, je répète que l'attente d'un spectateur, joueur ou lecteur influence énormément son jugement sur l'oeuvre concernée. La "hype" agit comme un catalyseur de l'émotion et s'émouvoir d'un film, trépigner avant même d'entrer en salle, ce n'est pas bon. Parce qu'évidement, le film ne pourra que très rarement être au-delà des espérances du spectateur et ainsi son jugement sera altéré par la déception lors qu'il verra qu'il n'a pas eu ce qu'il voulait.


C'est un petit peu le problème de ce film: la hype. Le film a tellement fait parler de lui avant sa sortie qu'il est normal qu'il se fasse critiquer, cependant les critiques négatives ne sont pas vraiment objectives –gardez ça en tête.



Exploitez-moi ces personnages !



Il faut reconnaître au film qu'il a bien réussi son casting. Chacun des acteurs apporte une petite touche visuelle qui permet de ne pas se lasser de leur personnalité. Et la lassitude, ce n'est clairement pas ce que recherche le film. En effet, le film veut tellement nous plonger dans l'univers DC en nous envoyant beaucoup de personnages que ça en devient un fourre-tout. Sans spoiler, on a un personnage que l'on ne voit que 5 minutes, un autre qui ne sert à rien –que ce soit pour les combats, le rôle dans le scénario ou les blagues– et un dernier qui n'est là que pour apporter un trait racial asiatique au film.


Ne vous attendez pas à voir des personnages travaillés car le film n'a pas le temps. Après une scène d'exposition qui dure près de quinze minutes où l'on apprend la personnalité de chacun, on constate qu'il n'y a que deux piliers dans le film: Harley Quinn (Margot Robbie) et Deadshot (Will Smith). On ne remet plus en cause la carrière de Will ni son talent pour l'émotion depuis des années; on sait que c'est quelqu'un qui arrive à jouer très bien mais le problème est que son personnage ressemble à Will autant que lui ressemble à ses anciens personnages (Hancock en tête). C'est un peu l'effet Jim Carrey, où Jim joue dans le même ton dans la grande majorité de ses films. Ici, on retrouve cette même palette d'émotion que l'acteur arrive très bien à faire mais qui n'est là que pour un prétexte: l'empathie.


J'ai encore du mal, à l'heure où j'écris ces lignes, à affirmer si le film essaie de montrer des anti-héros devenir des héros ou s'il est juste maladroit et indécis dans les personnalités de ses protagonistes. En effet, tout le film va être une suggestion faite au spectateur pour humaniser chacun des personnages en leur donnant raison et en démontrant que "s'ils sont méchants, c'est parce qu'ils ont fait ça" en ajoutant "mais dans le fond, ça peut arriver à n'importe qui donc ne jugez pas." J'ai du mal à dire si c'est un bon point ou non car beaucoup de films se veulent être subversif et n'y arrivent pas alors que Suicide Squad ne s'en sort pas si mal à ce niveau. Oui, c'est cliché par moment, mais il tente une approche subversive des "méchants" en essayant de les faire passer pour des héros et cela, quoi qu'on en dise, c'est respectable.



Oh non! Il s'est endormi sur Windows Movie Maker !



S'il y a bien deux reproches objectifs à faire au film, ce sont le montage et le rythme. Vous pouvez aimer le film ou non mais le montage est vraiment mauvais. Le but d'un montage est de fluidifier le mouvement (ou le calme) d'une scène pour que cela ne rende pas les spectateurs aveugle. Or, dans ce film, le montage est fouillis et rend beaucoup de scènes trop confuses où l'on ne sait pas vraiment qui tape sur qui, tout simplement car on n'a pas le temps de voir l'action d'un plan dans sa totalité. C'est globalement les scènes d'actions qui posent problème puisqu'elles ne sont pas déplaisantes en soi, elles sont juste mal découpées. Rajoutez à cela que certains "héros" ne sont là que pour faire figuration –ce qui est un comble. Au passage, est-ce que vous vous souvenez des scènes clichés de flashbacks avec des plans de deux secondes maximum où l'on apprend brièvement le passé d'un personnage ? Oui ? Alors, je n'ai pas besoin d'en dire plus parce que le film en possède un peu trop. Et c'est dommage parce qu'au lieu de raconter le passé d'un personnage de manière extradiégétique avec un montage épileptique, ils auraient pu subtilement faire deviner au spectateur le passé de l'un d'entre eux à travers le comportement et les dialogues de ce dernier.


L'autre point c'est le rythme, et souvent il est lié au montage. Si j'ai parlé de la scène d'exposition, c'est parce qu'elle brise de manière nette et précise le rythme. On a un début de film très rapide où l'on survole les deux principaux protagonistes (Harley et Deadshot) puis on a une femme qui présente chacun des personnages autour d'une table, accompagnée par deux autres gus. La scène dure quinze minutes; ou du moins en donne l'impression à cause du rythme puisqu'on enchaîne des flashbacks sur le passé de chacun des méchants –de manière très rapide donc– entre-coupés par des passages où la dame discute plus ou moins longtemps avec d'autres personnes. Le soucis du rythme dans cette scène est qu'il n'est pas respecté: parfois les flashbacks sont plus longs que les autres et parfois les scènes où cette femme discute sont très court. Et après cette scène, il vous faudra bien quinze minutes, voire vingt, pour vous remettre dans le film.



Mais c'est que c'est une comique, elle.



Fort heureusement, il y a beaucoup de truc agréables dans le films. Je sais que je viens de critiquer salement et je pense que ces points apportent une instabilité au film mais pas un malaise au spectateur (sauf les flashbacks, ça je ne pardonne pas). Je veux dire qu'il y a de très bons points positifs à commencer par la direction artistique.


La DA est très travaillée et plaisante à regarder. Il y a un travail sur les décors qui les rends à la fois irréels et organiques, ce qui est troublant et jouissif à la fois. La partie de la ville détruite donne une impression de post-apocalypse dans la même veine que la plupart des films de zombies mais qui arrive à apporter une touche artistique bien identifiable.


Un autre point positifs, c'est l'humour. Vous pensez que vous avez tout vu dans les bandes annonces ? Oh non, vous êtes loin. Étrangement, les blagues des trailers font mouches dans le contexte du film. Toutes les autres blagues mises en situations ont un réel effet comique qui parfois pourrait tourner au nanar (si on ne savait pas que c'était une blague). Fort heureusement, la prestation de Margot Robbie, accompagnée du cynisme de Will Smith, sauve une grande partie du film. C'est agréable de voir un personnage aussi excentrique, déjantés et drôle à l'écran. Il y en a déjà eu, cependant beaucoup étaient des duplicatas de personnages d'autres films. Ici, l'actrice dévoile des aptitudes de jeu qui sont rafraîchissantes à voir. Egalement, les répliques entre chacun des protagonistes sont logiques et amènent souvent à des petits gags visuels ou des blagues dans leurs échanges.



Mot de la fin: un divertissement correct



Je ne demandais pas au film de m'apporter une réponse à une question, ou de soulever un débat –même si dans le fond c'est qu'il essaye de faire de manière contestable. Je ne demandais en fait rien au film si ce n'est de me divertir et c'est réussi. De manière étrange, j'ai ressenti un peu la même chose que pour Independence Day (premier du nom): une sorte de grande action comportant du cynisme et des réflexions bateaux sur la société, le tout enrobé d'une esthétique propre, de gags visuels et de bonnes punchlines. Il est évident qu'il ne s'agit pas du film de l'année néanmoins il est regrettable de voir l'acharnement qu'il y a sur ce film qui est plein de bonnes intentions même s'il a du mal à toutes les exprimer.

Curtis_Pelissier
6

Créée

le 6 août 2016

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