(Critique sans spoilers)


Vu pour la première fois proche de sa sortie initiale je l'avais apprécié et ce film avait alimenté mon amour et ma curiosité pour le Japon, mais j'ai voulu me rafraîchir la mémoire car je n'ai pas confiance en mes ressentis de jeunesse : j'étais alors le genre de public bon à gober n'importe quel nanar et m'imaginer que c'était sincèrement bien (par exemple, je suis sorti du fameux "La Planète des singes" de Tim Burton à sa sortie (en 2001) en l'ayant trouvé génial – avis non partagé par mon papa qui a été pris en otage pour voir ça, pardon mon papounet...).


Mais restons focalisé sur Stupeur et Tremblements. Je ne vais pas faire une critique globale du film (allez lire mieux, si ce n'est déjà fait en 20 ans). Je veux juste traiter quelques points qui m'ont marqué lors de cette re-découverte, et apporter mon anecdote personnelle.


Amélie Pouliche, un film d'Alain Corniaud

Le film est très bien, allez le voir... Bien. Maintenant si l'on pouvait retirer le pansement sur la plaie tant que c'est dans le four... S'il y a un point qui m'a particulièrement déçu, c'est l'omniprésence de la voix off... J'imagine que ça a été justifié pour symboliser un lien avec le roman qui est à l'écrit (donc un rapport particulièrement intime entre le lectorat et les pensées de l'écrivaine Amélie Nothomb), ou je ne sais quoi. Sauf que cette méthode n'a rien de cinématographique... Faudrait éviter de faire ça autant que possible dans un film. Oui cela existe, sauf qu'il y a des contextes pour employer les voix-off. Franchement vu les circonstances où c'était utilisé, on tient presque un aveu de ne pas savoir comment raconter les choses avec une caméra, et alors par dépit on le raconte à voix haute. Et ça m'étonne, je suis sûr qu'il y avait moyen de réduire les commentaires de l'héroïne à l'essentiel ; après tout on ne s'offusque pas (spoilers)


...du fait qu'à l'écran il n'y ait aucune vie pour l'héroïne en dehors de son lieu de travail ; on tient même la preuve que le "show don't tell" fonctionne à merveille avec les scènes à la fenêtre...


...et ce sont d'excellents parti-pris narratifs, qui renforcent le propos!! Donc zut, y a pas d'excuses.


Proverbe japoniais

Si l'on met ça de côté, et sans les sursauts de "WTF" (limite weeb!!) à me faire rougir de honte, je constate assez surpris que la thématique du clash culturel parvient à me maintenir en haleine. Nan parce que si on note l'effort mérité de présenter l'héroïne comme étant très dégourdie, intellectuellement, et capable de gérer certains fions qui lui seront jetés sur la gueule (et elle ne joue pas "à domicile" en plus, ce qui lui donne + de mérite), faut quand même pas avoir honte de l'état de certaines propositions de dialogues (ça vous est réellement arrivé ça Mme Nothomb?!)


Je ne doute pas que l'héroïne (ou devrais-je dire, l'Amélie Nothomb du vrai monde) eut des conversations un peu poétiques, ou intellectuelles ; et je ne cherche pas à douter que ses moments les plus durs du film furent fidèlement représentés... mais je sais pas, je trouve que l'abondance du monde poético-philosophique adoucit trop la relation de l'héroïne au monde qu'on définit comme lui étant «hostile» et réel. Ça se sent que certains passages sont forcés ou juste bizarrement présentés, c'est un coup à faire re-douter de la véracité apparente des situations... du coup on peut féliciter cette étrange alchimie de demeurer regardable et intrigante 20 ans après en plus de rester un témoin historique pertinent malgré tout ce qu'elle offre de... bizarre.


Imitations et Ricanements

Passons à ses aspects plus "positifs". Je tiens à le rappeler pour rendre honneur à ce film, car il n'est pas "mal fait" en tant qu'objet culturel, qu'à l'époque le Japon était encore un pays très exotique et largement mystifié en l'an de grâce 2003 ; internet n'était pas encore aussi accessible que maintenant, et si vous étiez fan de "mangasses" et de "japoniaiseries" il y a de grandes chances que ces distractions ne vous apprennent rien de concret sur la culture nippone, ou sinon des clichés (genre : les enfants sont tous pratiquants d'arts martiaux ; ils s'expriment avec un langage très fantaisiste (utilisé par les weebs... qui une fois au Japon se font griller tant le langage des animes est spécial) ; la perversité est une chose banale (NON) ; ou bien TOUT LE MONDE se comporte selon le code d'honneur des samouraïs, ou des yakuzas, ou dieu sait quelle connerie, etc. etc...)


Nous n'avions que très peu de fenêtres ouvertes sur la "vraie" culture nippone, alors imaginez-vous qu'on devait se le représenter avec ce genre d'oeuvres... Pour reprendre le concept de Stupeur et Tremblements, certes cela donnait vraiment à ressentir une gène permanente dans l'épopée descendante de son héroïne, mais dans une certaine mesure le film parvient à faire accepter cette "autre réalité" qui d'un point de vue occidental devrait nous paraître au contraire, plus fantasque que les fictions des Shonen... alors que bah non ; paradoxalement le monde de l'entreprise au Japon de cette période est encore absurdement procédurier et tyrannique (car c'était d'actualité à l'époque ; et d'après un documentaire que j'ai vu, le Japon moderne essaie plutôt d'adoucir son relationnel d'entreprise vers qqch de proche de ce qu'on a en Occident). Et cette réussite dans la transmission du message de fond a su me donner de l'espoir, et à me faire croire à sa conclusion (spoilers).


...que l'amitié entre deux cultures est une chose possible, en échange d'une masse d'efforts, de respect et d'humilité. C'est un message assez réconfortant, qui d'abord n'exclue pas une autre réalité (celle qu'il est quasiment impossible de se faire considérer comme un "vrai Japonais" si l'on est étranger) ; mais qui a le mérite d'impacter notre esprit avec efficacité puisqu'on a traversé le calvaire de l'héroïne et son parcours d'échecs en temps réel avec elle.


Prenez le temps d'un Suntory

Si vous restez sur votre soif de dépaysement, de déboussolage, que vous souhaitez explorer une nouvelle histoire éphémère dans le clash des cultures Occidento-Japonais, je conseille de vous plonger dans Lost in Translation (qui est aussi un film de... 2003!).


Note : NO PAPER!!! /20

Tonton_Norman
7
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le 24 janv. 2024

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Tonton_Norman

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