Strange Days
7.1
Strange Days

Film de Kathryn Bigelow (1995)

Dans la vie, il y a finalement très peu de surprises, de ce film qui connut un bide monumental à sa sortie et dont je me souviens seulement des deux ou trois incultes dégénérés qui lui vouaient alors un petit culte sans importance je n’ai longtemps rien attendu et je ne m’en portais pas plus mal… Et puis, les invraisemblances habituelles du site, une moyenne ubuesque y compris chez mes éclaireurs les plus dignes de confiance, l’envie de compléter ma liste cyberpunk, il n’en fallait guère plus pour me redonner quelques espoirs passant outrageusement sur tout le mal que je pouvais penser de son abominable réalisatrice et profitant honteusement de mon ignorance de la présence du mari de la dite abomination au scénario de ce gros machin…

Moi, je me souvenais juste que Ralph Fiennes y avait une coupe de cheveux ridicule et que c’était une sombre histoire de trafic de fichiers plus vrais que nature, Johnny Mnemonic sans Flipper qui se prendrait au sérieux, vu comme ça, j’aurais dû me méfier davantage…

Et bien c’est à peu près ça, sauf que niveau capillarité, Ralph n’est que de la gnognotte en comparaison du reste du casting… Déjà, quelqu’un a ressorti Michael Wincott de la naphtaline où il épargnait judicieusement nos iris sensibles et cette personne ira probablement rôtir en enfer pour la peine. Elle a aussi affublé Richard Edson d’une coupe imbuvable mais ce n’est rien à côté de ce qui arrive à Tom Sizemore, un peu comme si Chewbacca, à force de se lécher les poils du coude avait tout vomi sur son crâne disgracieux et que quelqu’un avait trouvé bon de crier « Ca tourne ! » avant de le laisser prendre sa douche… Je sais bien qu’il y a une vague histoire moisie sur les perruques dans le film mais si le scénariste n’est pas capable d’en tenir compte proprement, pourquoi voulez-vous que je fasse l’effort ?

La galanterie séculaire qui irrigue ma famille depuis douze générations m’empêchant de vous dire tout ce que je pense des coiffures de ces dames, jetons dessus un voile pudique et passons un peu à ce qui essaie de passer ici pour une histoire.

Le point de départ sur les disques vidéos retranscrivant vision et sensations d’autrui n’est déjà pas une très bonne idée en soi mais quand c’est utilisé et filmé avec la subtilité du diplodocus qui vient de découvrir un astéroïde s’apprêtant à lui tomber sur le râble, je n’y peux rien, je décroche et ce ne sont pas les quelques ricanements que les mimiques traumatisées des acteurs en plein visionnage m’ont arrachés qui vont aider à faire passer la pilule, bien au contraire, ce film faisant partie de la pire espèce qui soit, celle des navets ridicules se prenant au sérieux, n’attirant donc même pas ici la douce et euphorique sympathie du bon Johnny cité plus haut…

Dans un futur beaucoup trop proche pour être crédible, la réalisatrice misérable essaie de faire cohabiter le soupçon dystopique d’un Etat policier, son futurisme technologique mal branlé, un gourou grotesque assassiné, une histoire policière au ras des pâquerettes, une fascination inquiétante pour les émeutes raciales et une histoire d’amour niaise à crever, le tout dans une ambiance double-millénariste à couper à la machette et noyé dans une bande-son gerbante qui donne envie d’égorger le premier caniche nain qui passe.

Bigelow ne sait toujours pas filmer mais à l’époque, au moins, elle avait encore un pied, c’est la seule bonne nouvelle à l’horizon, enfin, faut le dire vite, elle se rattrape pour les séquences subjectives complètement moches et n’oublie pas de poser ça ou là ses plus grosses boursouflures, ses ralentis les plus putassiers, le n’importe quoi le plus gratuit… Sa complaisance confine à l'abject lorsqu'elle se met à caresser dans le sens du poil les pires travers de son temps, flattant sans pudeur les idées les plus vulgaires les postures les plus haïssables dans une courtisanerie morbide qui transforme la bêtise et l'insignifiance du sujet en quelque chose de misérable.

Aussi prévisible que lourdingue, le scénario de ce gros porc de Cameron tient toutes ses promesses vomitives dans un foutage de gueule général qui n’a même pas la décence de s’en tenir à son présupposé stupide de départ. A un moment, sans raison apparente, la machine laide à mettre sous les perruques parvient à se répandre en live à partir d’un CD copié sans que cette bêtise n’apporte d’ailleurs quoi que ce soit de discernable. Plus tard, dans l’indifférence générale, la machine servira tout aussi inutilement d’outil à décérébrer alors même que le film prouvait à chaque seconde sa supériorité dans ce domaine tant pour le travail de masse que l’efficacité à distance. Normalement à ce moment-là, le spectateur civilisé est déjà trop atterré pour réagir, en plus il vient de se rendre compte que la grosse bouse frise les deux heures trente et se demande comment il va survivre jusque-là surtout si le final tient toutes ses promesses de débilité pharaonique, ce qu’il fera bien entendu scrupuleusement pour achever cruellement le dernier observateur éveillé.

Je suis beaucoup trop las pour vous dire tout ce que je pense réellement de ce pauvre D’Onofrio, de la squelettique mais néanmoins bodybuildé Angela Bassett ou de la porcine Juliette Lewis, mais sachez tout de même que, miraculeusement, transcendant sa chevelure impardonnable et un personnage particulièrement indigent, Ralph Fiennes parvient tout de même à rester presque sympathique tout le long de ces invraisemblables péripéties et que cela explique en grande partie la faible portée de mon juste courroux sur la note finale.

Un film qui donne envie de chanter à tue-tête un hymne à Johnny Mnemonic, rien que ça…

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le 17 mars 2014

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Torpenn

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