La cinéaste et comédienne Maria Schrader n’a pas choisi la facilité pour raconter les dernières années de Stefan Zweig, l’un des plus grands écrivains et intellectuels de la première moitié du XXe siècle. Très conceptuel, son film interroge la responsabilité de l’intellectuel et la question de l’engagement politique. Divisé en six épisodes distincts, il retrace dans des tonalités différentes quelques instants ordinaires dans la vie d’un écrivain certes comblé par le succès, mais  usé et découragé, honteux du mal causé par l’Allemagne et hanté par sa propre mort et celle d’un monde qui court à sa perte à cause de cette "pestilence des pestilences, le nationalisme, (qui) a empoisonné la fleur de notre culture européenne ». Constituées d’un seul très long plan fixe, à la façon d’un tableau animé, la première et la dernière séquence de ce film anti-romanesque au possible impressionnent par l’économie de moyens mise en œuvre pour fournir une quantité d’informations et de sensations parfois contradictoires sur un artiste moralement détruit. La première, foisonnante de détails décrit en plan large le banquet donné par le Ministère brésilien des affaires étrangères en l’honneur d'un écrivain accueilli comme une star, tandis que la dernière, d’une confondante austérité,


nous emmène dans la chambre où Zweig et sa femme viennent de se donner la mort.


Plus classiquement découpé, le second «épisode» est une passionnante reconstitution d’une réunion du PEN Club à Buenos Aires, en 1936, au cours de laquelle Zweig s'abstient de condamner l’Allemagne, en expliquant qu’il refuse d’utiliser les mêmes armes du langage que ses ennemis, alors qu’un autre écrivain, beaucoup moins connu que lui, décrit avec une ironie et une éloquence ravageuse l’horreur de la réalité nazie. Plus intimistes, avec des tentatives d’humour assez laborieuses, les autres séquences nous montrent un Zweig en sueur visitant une plantation de cannes à sucre, retrouvant sa famille dans un appartement de New-York ou faisant découvrir son quartier de Petropolis à un compatriote qu’il rencontre par hasard au cours d’une promenade. Très anecdotique et bavarde, cette partie centrale du film est plus faible, le personnage de Zweig à ce moment de sa vie n’étant pas très captivant, et pour cause. 

SteinerEric
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le 4 janv. 2021

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Eric Steiner

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