Le côté obscur de la forme est le plus fort, mais pas le meilleur

Il est difficile de savoir par quel morceau attraper ce nouvel épisode de Star Wars. La structure du réveil de la force avait repris celle du nouvel espoir, faisant ainsi office d’un reboot assumé par Abrams, afin d’offrir aux nouvelles générations leur propre trilogie.


Par conséquent, l’épisode du milieu devait être celui des révélations, du tournant, celui qui ouvrirait la voie à une conclusion épique et bouleversante.


Bien entendu, il est possible de critiquer l’épisode 7, mais dans son entreprise, il avait réussi à installer de nouveaux personnages, de nouvelles figures symboliques, qui soulevaient beaucoup d’interrogations. Les origines de Rey, de Snoke, les ambitions du premier ordre, la déchéance de Luke Skywalker, censé apporter l’équilibre…
Toutes ces bases jetées un peu comme ça, dans une déclaration d’amour à la saga ont fait naitre chez bon nombre d’amateurs l’espoir d’une nouvelle fable qui nous animerait pour les années, décennies à venir.


Les théories ont filé bon train sur le net et dans les échanges bien réels sur les origines de Rey, de Snoke et sur le devenir du fils Solo.


Malheureusement, nous avons changé d’époque et comme le dit si bien Kylo Ren, toutes ces reliques du passé doivent disparaître.


L’heure n’est plus à la paternité, à l’héritage, à l’importance du contexte qui amène les individus à franchir ou pas la limite entre l’ombre et la lumière. Kylo après avoir tué son père, se débarrasse de son maître dont on ne connaîtra pas l’origine ni les intentions, pour devenir le gamin tout puissant qu’il a toujours rêvé d’être. Gloire à l’enfant roi !


De son côté Rey, ne doit son, encore plus incroyable, pouvoir qu’à elle-même. Ce personnage sans origine, sans éducation, est auto suffisant, comme en témoigne son attitude vis-à-vis de Luke et surtout sa découverte dans la fameuse grotte du côté obscur.
Lorsque son maître, qu’elle ne semble pas traiter comme tel, avait emprunté le même chemin, il avait dû faire face à sa part terrifiante d’ombre, hérité d’un père qui avait pris les mauvaises décisions.
Quel malaise de voir cette héroïne jouer avec une multitude de clone d’elle-même et découvrir dans le miroir ni plus ni moins que son nombril, le tout avec une décontraction déconcertante.
Rey « de nulle part » semble n’avoir besoin de personne, le fantasme absolu d’une idéologie qui déconnecte l’individu du contexte et de son influence pour le sacraliser, le déifier.


En parallèle, la résistance, en fuite face à un nouvel ordre dont les motivations sont aussi absentes que le charisme de son leader voit sa hiérarchie également bousculée. Po Dameron, remplaçant stéréotypé de Han Solo dans le rôle de la tête brulée va devenir le leader du mouvement.
Si l’on prend le temps de faire pause et d’imaginer Han, tout egocentrique qu’il était, en charge de la destinée d’un peuple, nous sommes en droit de rester sceptique. De la même façon, Po, nous montre toute son incapacité à être un bon meneur, puisque peu concerné par la communauté qu’il est censé guider.
La figure matriarcale de la résistance passe le relais, d’abord à une autre femme, campé par une Laura Dern plutôt agréable, animée d’un sens de la cause qui semble en dessous des motivations héroïques de Po, qui plane tel un condor au-dessus des responsabilités et des enjeux.
Heureusement pour lui, maman va se suicider pour qu’il puisse survivre et continuer de faire « Piou piou ».


Quant à Finn, il continue de chercher sa place, en vivant un épisode surréaliste avec une fanboy qui aime les animaux et qui pense que l’argent de la guerre c’est mal. Sans déconner !
Développer une idéologie révolutionnaire dans Star Wars, oui, dans la mesure où le spectateur est théoriquement lié à la rébellion, mais dans ce cas, autant le faire pour de vrai et en profondeur, avec autre chose que l’approche d’enfants qui peine à découvrir le monde.


Alors oui, je peux comprendre l’idée de faire place aux jeunes, mais de là à massacrer les adultes pour laisser les rênes du destin à une bande de gamins autosuffisants !
Quand je repense à Luke qui avorte prématurément sa formation pour secourir Han et Leia. Je me dis qu’il était quand même sacrément sage et humble pour un rebelle.
Quand je revois la culpabilité dans le regard du vieux Ben et que je compare avec l’attitude de nos nouveaux héros, je constate l’évolution de notre société.


La culpabilité ne fait plus vendre, par contre une romance à la Twilight entre deux gamins narcissiques, c’est jackpot !


Seulement, je souhaiterais m’adresser aux responsables et leur demander à la manière de Rey s’adressant à un Kylo torse nu « de se couvrir un peu », d’être discrets, par respect pour ceux qui croient encore naïvement que Star Wars est un monument de la contre-culture, qui pour toute la famille, au travers des générations, incarne encore un discours capable de dissocier le bien et le mal.


Si auparavant, il était possible de tirer des enseignements universels de cette saga, comme le cours accéléré de Yoda sur l’engagement « fait le ou ne le fait pas » ou la construction identitaire par l’intermédiaire d’un Luke, destiné à prendre du recul pour avancer et dépasser son père, pour finalement le sauver. Aujourd’hui ce que l’on retient du film en sortant, c’est le premier niveau. C’était beau ! Tu as vu ce jeu de couleur rouge blanc dans la bataille finale !
Ils sont trop mignons BB8 et les porgs !


Passé ce rideau, on ne retient rien à part la sensation d'avoir été diverti. Le premier ordre, contrairement à Palpatine et son rêve d’un empire acteur, plutôt que palabreur, souhaite la destruction pour le plaisir de voir des types exploser. Kylo souhaite posséder le plus gros des zizis de la galaxie. Po Dameron veut piloter et enchainer les actes de bravoure, Finn est fou de Rey et malgré lui enfermer dans un triangle amoureux très à la mode ou la femme passe des bras d’un homme vers un autre (coucou Twilight, Hunger Games, Vampire Diaries etc) et notre héroïne, divine, magnifique est simplement l’objet de tous les fantasmes. Naturellement bonne, elle semble flotter au-dessus de l’histoire, comme une déesse inaccessible.


J’aimerais pouvoir dire que ce billet d’humeur est le reflet d’une âme de vieux con qui ne comprend rien au monde d’aujourd’hui parce qu’il n’est pas sur Twitter, ou ailleurs sur la toile à faire l’apologie du discours de surface. Mais est-ce con de croire que la culture se doit de nous faire réfléchir ? Et est ce vieux de rêver de personnages incarnant l’être humain de façon plus profonde qu’une émission de télé réalité ?


Après tout, le bien et le mal existent par rapport aux conséquences qu’en subissent les autres et si nos personnages de fiction ne font que semblant de s’y intéresser, qu’est-ce que cela raconte sur nous ? Puisqu’après tout c’est bien de cela qu’il s’agit, en définitive. Derrière le divertissement, le sacro-saint loisir, notre propre grotte obscure, il y a notre propre reflet.


Après si ton idéal c’est de devenir Rey, je t’en prie claque des doigts !

LionelG1
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le 14 déc. 2017

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LionelG1

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