Voici un film dont je me faisais une idée légère, projetant d'y apprécier la présence de Bill Murray dans le rôle titre.

Et contre toute attente je viens de passer la meilleure des St. Valentin auprès de St. Vincent.

Il y a un rythme émotionnel terriblement intense dans ce film.

On croit de prime abord que l'histoire conte les frasques d'un personnage irascible et décalé, ingrat et sarcastique. En fin de compte on assiste à l'amendement du regard que l'on porte sur l'intégrité de nos camarades d'existence.

Chaque personnage pose sa tonalité humour-drame : le vieil alcoolique fauché, l'enfant solitaire et malmené, la mère célibataire dépassée par les exigences professionnelles et judiciaires, "the lady of the night" enceinte et effrontée, la belle dame sans mémoire, les gosses multicolores de l'école et le prof catholique ahurissant et un peu irritant même... bref, un beau panel de clichés qui se révèlent absolument délicieux.

L'éloquence rétive de Vincent lorsqu'il répond aux questions du jeune Oliver nous balade dans le rire de ses propos francs, décalés, déconcertants. Il accoste la poésie et fait du gringue à la philosophie dans l'indifférence du sérieux qui s'ignore. Il provoque l'irritation et le mépris. Vincent ne semble intéressé que par le profit, étant endetté férocement du fait de ses caprices frivoles. Mais il s'accommode aisément d'avoir à garder Oliver et l'embarque dans son quotidien : courses et paris, bar et tise, hôpital et Alzheimer.

On s'attend à n'avoir affaire qu'à un film loufoque et bigarré ! mais lorsque la faiblesse du corps frappe sur les arcanes du coeur, on se retrouve avec des chatouillis au coin des yeux.

Vincent est vieux et ses faiblesses se rappellent à lui violemment quand le handicap cogne sur sa nonchalance. Mais bien que diminué il continue d'être caustique, comme le singularise l'épisode de la rééducation verbale. Le regard des autres personnages perd de sa vélocité à le mal juger, mais reste entaché de pitié.

Puis c'est la mort qui tombe dans une boîte, d'une odieuse banalité comparé à l'amour qu'elle contient. On repense à sa mise en scène du docteur visitant sa belle patiente mangée par l'oubli, sa bienveillance ne laissant filtrer aucun apitoiement. Malgré sa verve survivante, à nos yeux, le clown ombrageux a déposé sa grogne auprès des restes de sa bienaimée.

De son côté, Oliver patauge dans la conquête de son affirmation identitaire. Il bronche sur ses camarades de classe intolérants à sa fragilité. Vincent s'occupe alors de lui apprendre une petite méthode pour se faire respecter par les poings, mais c'est par l'esprit que le garçon va faire mouche.

Ainsi le cours de religion : qui peut prétendre à la Sainteté ? Là encore, Vincent lui offre la solution : lui-même. D'anti-héros il est promu Saint par l'analyse biographique servie dans le discours final d'Oliver, outrageusement efficace. Néanmoins entendons-nous : malgré cette dimension religieuse, l'idée de sainteté n'est prise au sérieux que dans la mesure où elle est ramenée au commun. Même un être à l'abord insolent peut prétendre à la sainteté si ses actes relèvent du dévouement aux autres.

Là est tout l'élan du film au terme de cette confidence : l'aspect puant et misanthrope de Vincent cache une âme généreuse bien que désabusée par le réel cinglant.

Finalement, du jeune garçon au vieil indocile, quand on y songe : apprenons-nous plus à l'autre ou bien de l'autre ?

Sachez que s'il vous semble que j'en ai dit beaucoup sur le scénario, à mes yeux je n'ai pas cueilli le quart de l'aura de l'histoire, pas même l'auréole sanctifiée.

Pour les amateurs d'irrévérence et d'altruisme.
Verlaine
9
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le 15 févr. 2015

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Verlaine

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