Grâce à Umbrella, on peut depuis quelques années (re)découvrir cet ovni étrange, le premier film de Alex Proyas, le super cheulou et un brin zarbi "Spirits of the air, Gremlins of the Clouds". Tourné en 1987, le film est sorti en 89 et a été tourné à Mundi Mundi, Silverton, sur les grandes plaines où furent tourné avant lui Wake In Fright, Mad Max 2, Razorback et bien d’autres...
Le film raconte donc l'histoire d'un frère handicapé moteur et d'une soeur qui s'est réfugiée dans le fanatisme religieux, tout deux bloqués dans une baraque perdue dans le désert depuis la mort de leur père, le tout dans un monde post apocalyptique mal défini. Un jour, un vagabond vagumeent habillé comme Max à la fin de Mad Max 3, arrive chez eux exténué, le frère voit là une occasion de construire une petite machine volante et de s'arracher... tandis que la soeur est persuadé que le diable vient d'entrer dans leur maison.
Si pas mal de choses auraient pu encrer le film dans une sorte de spin off de Mad Max, les choix visuels radicaux de Proyas nous rappellent plutôt les premiers Jan Kounen, J.P. Jeunet ou même certains trucs de Kusturica, ou parfois, Tsukamoto. L'aspect clipesque de certaines images (qui ressemblent parfois carrément à des pochettes de LP de l'époque) renvoie aussi sur les expérimentations de Mulcahy, le lieu de tournage similaire renforçant cette impression).
Oué, une sorte de croisement aussie de tout ça donc… De fait, si Gremlins propose bien une certaine lecture de l'isolement, d'une tentative de s'en extraire grâce aux machines et, finalement, du fanatisme et de l'abandon, qu'il oppose deux figures classiques, le vagabond taciturne et le « larrikin », Proyas se détache des thèmes proprement australiens que convoquent son histoire et son cadre pour surtout proposer un voyage contemplatif et émotionnel à travers une histoire racontée par ses cadres baroques, exagérés par des couleurs ultra saturées et de courtes focales. Malheureusement, aussi réussies soient les images du film et le décor de la baraque, versant progressivement dans le poéticoloufoque, rien ne saura vraiment prolonger les promesses offertes par les images hallucinantes de l'intro du film, nettement plus évocatrices et poétiques. Le retour à ces cadres, en cours de film, tranchera à mon sens vraiment le film entre ses deux ambiances, le grotesque et la fascination onirique.
De toute façon, la direction artistique reste l’intérêt principal du film, que ça soient les costumes, les maquillages ou les décors. Ce qu’il y a de plus intéressant, d’ailleurs, c’est cette poésie du bush qui nourrit cette direction artistique, quelque chose de rarement vu dans le cinéma australien mais qui, pour le coup, est vraiment typique du pays. Peut être parce qu’il s’agit d’une gigantesque île, l’Australie voit ses lieux et ses objets abandonnés se momifier lentement, là où en Europe ils semblent disparaitre. Là bas, les carcasses de voitures se fossilisent lentement et l’immobilité apparente du pays pousse quelques poètes à fabriquer ici et là d’étranges installations chaotiques. Des amoncellements d’épaves, des clôtures sur lesquelles on accroche une ribambelle de trucs divers, des termitières qui servent de mannequins pour toutes sortes de chemises, des arbres auxquels on accroche aux branches des pièces mécaniques, des sous-vêtements, des pompes à vélo ou des chats morts. Toutes ces curiosités étranges que l’on croise parfois dans le bush, au milieu de nulle part, se concentrent ici et c’est cette poésie aussi inquiétante que farfelue, qui irrigue le film et lui donne une force visuelle incroyable. A ce titre, au-delà de son histoire, le film est un hommage très sympa à cet aspect assez méconnu du bush australien.
Ainsi, porté par cette direction artistique et par une partition brillante, le film est clairement envoutant, même si les acteurs proposent des prestations parfois un peu limites et qui nuisent un peu au tout... Spirits of the Air aurait gagné à être interprété par d’autres acteurs, c’est un peu cruel, mais c’est l’impression que me hurle le film pendant ses 90 minutes.
Au final, parfois un peu long, parfois un peu mal foutu mais souvent intriguant, Spirits of the Air est une curiosité étrange qui vaut le détour. Le bluray Umbrella est vraiment chouette, je crois que c'est le même transfert pour celui sortir récemment chez nous par le Chat qui Fume... Par contre, il manque sur la galette française les coms audios et surtout les vidéos de tournage qui, bien qu'assez anecdotiques, montrent un petit film bricolé avec peu d'argent mais beaucoup de passion. C’est assez émouvant de voir tous ces gens au boulot, filmé au camescope et on éprouve notamment une certaine empathie pour les auteurs du film face aux galères qu'ils ont traversé lorsqu'il a fallut tourner les plans d'intros du film avec toutes les miniatures et qu'il a plu non stop sur Broken Hill pendant des jours...
Voila, très curieux mais un peu prout prout quoi...

MelvinZed
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le 15 juil. 2021

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Melvin Zed

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