Les gens étaient heureux en voyant ce film! (SCANDALE)

Petite explication préliminaire: j'ai vu il y a quelques jours "Le cas Richard Jewell" et je crois bien que ce film sera un des plus influents dans mes goûts cinématographiques. Loin de l'action, on y voit un fils et sa mère mis sous pression par le FBI car ils sont suspectés d'activités terroristes. Un des moments les plus forts arrive alors que le personnage principal, de sa démarche un peu lente, tout obèse qu'il est et avec son ton de type sincère et en même temps un peu simple(t) va prendre dans ses bras sa mère sexagénaire, une femme âgée tout ce qu'il y a de plus ordinaire, qui a fondu en larmes à cause de la pression qui leur est mise. Pas d'action, pas de violons, pas de vitesse, pas de cut.

"Spider-Man: No Way Home" arrive très, très loin derrière. Les paroles sonnent creux, les dialogues sont machinaux, déjà vus, déjà faits. L'attachement émotionnel aux personnages est inexistant. Et puis les états d'esprit sont basés sur la réputation des personnages. Ce n'est pas très facile à expliquer mais par exemple la romance entre MJ et Peter est fondée sur le fait que les deux acteurs sont des beaux gosses (la moitié de la planète est amoureuse de Zendaya de toute façon) alors on comprend la situation, on l'attend. Mais on ne la ressent pas. Et quand les deux tourtereaux se parlent c'est toujours avec des ressorts attendus ou du moins jamais surprenants.

Mais ce qui est certainement le plus frappant c'est l'aspect "ancré dans la pop-culture". Il y a l'intérêt premier du film qui est basé sur des éléments déjà vus ailleurs, l'aspect qui a servi à la publicité. Mais il y a aussi les memes inclus dans le texte. Le "I'm something of a scientist myself", mais aussi le "why are you running", même si pour ce dernier je suis moins certain qu'il ait été inclus volontairement. Il y a encore un élément repris de Fortnite (un éclat dans le ciel lors d'une téléportation), et un costume repris dans Fortnite. Bref, le film est un patchwork d'éléments déjà vus et c'est bien dommage car cela n'a jamais vraiment de sens. Mais ce qui me consterne le plus c'est sans doute les réactions des autres spectateurs dans la salle de cinéma, rugissant à l'apparition d'Andrew Garfield et Tobey Maguire alors que puisque personne n'a pu passer à côté du tapage médiatique, personne n'a pu voir cette scène en toute ignorance préalable de l'arrivée de ces deux personnages. Alors qu'est-ce qu'on acclamait? Soit la thune de Disney, soit l'auto-référencement, la réutilisation de ces éléments devenus culturels. Je crains qu'il y ait un véritable contentement dans la célébration de ces éléments devenus iconiques, il faut bien l'admettre, mais à un tel point qu'on se doit d'interroger notre rapport à eux. Il y a tellement plus, et tellement mieux dans le monde que forcément il faut avoir une culture lacunaire pour avoir envie de célébrer cela. Et n'étant moi-même pas extrêmement cultivé je crains d'autant plus pour les autres. Et qu'on n'aille pas me dire que ce n'étaient que des enfants dans la salle, j'avais autour de moi au moins trois couples de jeunes trentenaires qui se sont ébaudis tout du long.

Il y a de cela quelques années on se plaignait volontiers et à raison à mon avis de la stigmatisation de la pop-culture et de la culture geek de la part de pseudo-élites. Cependant il ne faut pas tout laisser à cette culture sous le seul prétexte de la fierté de la reconnaissance par l'industrie (industrie qui ne reconnait forcément que l'argent). Et au contraire il y quelque chose de honteux dans le fait d'être mêlé à ce film et ses semblables. Si la culture geek a une certaine légitimité grâce à certaines œuvres, elle n'est pas pour autant gage de qualité. La doxa a changé et il n'y a plus rien de révolutionnaire dans l'appréciation de cette culture. N'allez pas acclamer ce film comme le triomphe de quelque chose d'autre que l'air du temps svp.

Pour ce qui est des scènes d'action, elles étaient franchement dégueulasses ou alors oubliables, sauf pour celle qui reproduit le clip de "Turn down for what", justement parce qu'elle est une citation. Mais le clip est meilleur. Il y a le plan de Civil War lors de l'assaut dans l'aéroport qui était déjà un échec, et qu'ils ont reproduit ici (pourquoi?). L'esthétique est un échec aussi, la CGI est visible et la photographie des plans nocturnes est mauvaise, d'ailleurs il n'y a rien d'iconique dans ce film, visuellement parlant, ce qu'on ne pourra pas reprocher au Batman de M. Reeves. Mais surtout, tout est trop lisse, faute en partie à la CGI je suppose: les coups sont invisibilisés (ça c'est une question de montage) mais plus que ça, ils ne portent pas. Il n'y a pas de coups destructeurs.

J'ai tout de même apprécié quelques moments comiques, comme quand les trois Spiderman ont une triscussion où ils se congratulent, un petit moment hors du temps. Ou encore quand Ned demande à T. Maguire si il a aussi un meilleur pote.

Et je voudrais aussi cracher sur la fin de ce film, alors ça part en mode spoiler:

La disparition de la mémoire de Peter est difficile à imaginer en pratique: est-ce que toute trace matérielle de son existence a disparu, tous les endroits où son nom est écrit sont effacés, toutes les photos et vidéos de lui sont supprimées? On pourra dire que je chipote mais cela semble irréalisable et ça me sort du film.
Sinon (et surtout) il y a la scène d'adieux, puis de retrouvailles (à sens unique) qui me pose problème. En effet, l'attachement aux personnages est si mal fondé que j'ai du mal à avoir de l'empathie pour T. Holland et Zendaya. Ca ne me fend pas le cœur ni ne me le réchauffe et je ne peux pas m'empêcher de penser par contraste à la fin d'Angel Beats, un moment si triste, mais si beau. Une scène d'une cruauté sans nom pour laquelle je ne pourrai jamais assez remercier le réalisateur de la série (dont j'ignore l'identité au demeurant).
Dans cette fin on voit bien qu'il y avait une tentative de tirer des larmes puis de réchauffer à la flamme de l'espoir mais les poutre dans l'œil ça fait surtout mal.

Vraiment, les gens étaient heureux en voyant ce film, mais en vérité je vous le dis, d'autres verront un jour des films qui leur feront comprendre ce que "Le cas Richard Jewell" m'a heureusement fait comprendre à moi. L'espoir vit, mais par essence il ne peut trouver son origine que dans des situations pénibles.

Mr_Kiki
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le 10 juin 2022

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Mr_Kiki

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