Un huis-clos à ciel ouvert avec deux naufragés sur une île déserte, on pense forcément au surévalué « Seul au monde » de Robert Zemeckis. Sauf qu’ici, si « Soudain seuls » et ce dernier ont quelques accointances propres aux fondations de leurs récits (survivre en milieu hostile principalement), les deux films sont finalement très différents. En premier lieu, le film de Thomas Bidegain est français et il est rare de voir des œuvres tricolores sur ce type de sujet. Ensuite, il y a ici deux naufragés en couple, ce qui provoque des enjeux supplémentaires. Enfin, l’île ici est une zone froide censée se dérouler dans l’hémisphère sud (même si le film a été tourné en Islande) et non une île tropicale, les besoins et les possibilités sont donc également différentes. Mais, surtout, le long-métrage est avant tout une grande histoire d’amour avant d’être une histoire de survie.


Bidegain en est à son second essai derrière la caméra si l’on omet son segment dans le film à sketches « Selfie ». Son premier, « Les Cowboys » était un drame à suspense intéressant et réussi sur la disparition d’une fille et sa recherche par son père et son frère. Rien à voir donc ici, si ce n’est que c’est l’amour sous sa forme la plus classique qui est traité et non un amour filial. Bidegain est aussi un scénariste renommé, il a notamment écrit la plupart des films de Jacques Audiard. On le ressent avec « Soudain seuls » dont le script carré en tous points est une adaptation de roman et où l’écriture des péripéties et des dialogues (si rares soient-ils, surtout dans la dernière partie) est très fine et appliquée. Il évite aussi avec brio l’un des écueils principaux qui peut toucher ce genre de films où il y a peu de personnages si ce n’est la nature environnante : la lassitude et l’ennui. En effet, c’est une œuvre rythmée malgré le statisme du lieu de l’histoire. Les (més)aventures vécues par ce couple ne sont pourtant pas si nombreuses, le réalisateur préférant le réalisme au grand spectacle, mais entre leur problème de couple et l’avancée de leurs méthodes pour subsister et survivre, on ne voit pas le temps passer.


Les magnifiques paysages de l’Islande sont ici filmés avec grand soin. La beauté froide et minérale de cette île censée se trouver près de l’Antarctique est somptueuse et les images du cinéaste leur rendent grâce sans sombrer dans l’admiration béate. Et cela car il sait rendre le lieu de l’action aussi inhospitalier et effrayant lorsque les éléments se mettent en branle. Mélanie Thierry et Gilles Lellouche, qu’on n’aurait pas forcément mis ensemble de prime abord, forment pourtant un beau couple à l’écran et on doit avouer qu’elle prend le dessus dans la dernière partie très physique et intense pour elle. Leur couple est fragile, on le ressent, et cette situation incroyable va les mettre à rude épreuve mais va enrober « Soudain seuls » dans une belle morale sur l’amour pas si naïve que cela. Et permettre aussi au public d’être touché d’une autre manière. Tout semble crédible et ce film d’aventures en mode mineur de nous cueillir autant qu’il nous émeut et charme notre regard. Et, en plus, la partition musicale de Rapahël Haroche est de très grande qualité!


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 6 nov. 2023

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Rémy Fiers

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