Si on exclut les nombreux et trop envahissants râleurs de compétition auquel on a eu le droit avec la dernière trilogie Star Wars, il y a bon nombre de projet artistiquement bouseux qui ont facilement suscité une réaction extrêmement vif de la part du net. Le cas du film Sonic en prise de vue réelle aura rarement aussi bien démontré cette réalité tant sa conception, sa promo et ses choix ont fait jazzé les fans de très longue date. Autant dire de suite que je suis de ceux-là étant donné que je rageais déjà au moment même où il fut annoncé qu’on se coltinerait un film en prise de vue réelle. Un choix de format qui, évidemment, ne me paraît pas du tout adapté pour un univers aussi fantaisiste, qui plus est tiré d’un jeu vidéo et certainement pas le premier jeu venu en disque de Playstation ou Xbox ou en mini cartouche de Nintendo Switch qu’on peut choper dans un magasin du coin.


Il faut dire ce qui est, Sonic est une icône de l’enfance de beaucoup de monde, et également un de mes héros du jeu vidéo tant pas mal de ses jeux m’ont accompagné malgré les retours viscéraux des fans de longue date du hérisson. Sonic Heroes, Sonic Adventure 2 et également le jeu sur PS3 Sonic Génération quêtant un juste équilibre entre la version 2D de Sonic et la version en 3D. C’était le représentant de SEGA face à Nintendo qui avait le plombier moustachu Mario et un concurrent de premier ordre pendant un temps. Il a eu un parcours chaotique semé de haut et de bas mais j’ai cultivé une affection pour lui et ses amis comme beaucoup de gens et en tant que gamer et cinéphile, l’idée d’un film d’animation au cinéma a tout pour marcher à partir du moment où l’équipe qui a le projet en main en a quelque chose à secouer. D’autant qu’il a déjà une série d’animation franchement pas désagréable.


Mais ça a viré à la vilaine farce visible comme la verrue sur le coin de la figure, en plus de voler son oxygène à Jim Carrey en tant que méchant dans cette tentative de lancer une saga de film, et ce jusqu’au design humanoïde aberrant de mauvais goût dans la première bande-annonce à tel point que les équipes chargés des effets visuels ont été forcé de modéliser à nouveau le personnage pour qu’il soit conforme à la vision d’origine… n’empêche vous le sentez venir là l’irrespect des producteurs et de la Paramount envers les fans du personnage et même le public familial qui s’est déjà bouffé ce genre de film familial aux milles et un clichés depuis les navets infâmes qu’ont été Les Schtroumpfs en film live ?


Parce que ça sera la première raison d’en vouloir profondément à ceux qui ont posés leurs grosses pattes de vautour sur la licence : c’est d’en avoir fait un divertissement au concept éculé ou un être surnaturel débarque dans notre monde et doit compter sur l’aide d’un looser sympathique (en principe c'est pas universel) pour le tirer d’affaire avec les mêmes ingrédients de merde de ce genre de production. La première étant la présence de Sonic à l’écran qui nous sort constamment du film. Je suis admiratif dans un sens du boulot des animateurs en un temps record pour se rapprocher du design original de l’hérisson, mais c’est pas pour autant qu’on y croit : on sent les textures et la touche colorimétrique sur sa fourrure et sa peau (pour le peu qu’on en voit), il n’arrive jamais à se fondre dans le décor qui l’entoure et comme ses prédécesseurs il crée un tel décalage avec son environnement qu’on sait en continue que ce qu’on voit n’est pas réel.


D’autant que là, on n’est pas dans le remake de Dumbo chez Disney ou la modélisation de l’éléphanteau réussissait à bien s’intégrer avec un cirque d’infirme ambulant grâce à son environnement et encore moins dans Détective Pikachu ou les pokémons étaient de base dans le monde des humains et avec un gros boulot derrière pour rendre leur présence réelle à l’écran en prise de vue réelle. Ici on est dans un road-movie ou on doit faire croire à l’existence d’une mascotte ultra-populaire tiré d’un monde fictif qui ne peut pas s’adapter au cinéma en prise de vue réelle. Or ici l’immersion ne prend jamais car même filmé en tant que personnage à part entière, on sent qu’il n’est jamais réellement présent tant ses expressions, sa gestuelle et ses pouvoirs le décalque de l’environnement. Du coup il rejoint la catégorie de plus en plus large du "Ce qui marche en animation ne marche pas forcément en live", peut être pas avec ce qui s’est fait de pire en comparaison des objets animé dans le remake live de La Belle et la Bête, du Génie dans le remake Aladdin en mode full real body ou des Schtroumpfs dans les films de Gosnell.


Mais plus insultant encore que de vouloir faire croire en vain à l’existence de l’hérisson dans le monde réel, c’est de saboter la performance vocale. Alors j’ai pas vraiment grand-chose à dire sur Ben Schwartz, mais je pousserais un immense coup de gueule sur le choix de Malik Bentalha tant la moindre logique m’échappe par tout les orifices. Je sais qu’on n’est pas au premier Star-Talent foireux et que dernièrement ça n’a pas manqué avec par exemple Spider-Man Into the Spider-Verse ou Toy Story 4 sauf que ces films là avaient l’excuse du personnage original pour être un minimum excusé.


Mais là non : la voix originale française de Sonic, Alexandre Gillet, est toujours en activité et a même donné sa voix au personnage dans la série animée en plus des jeux vidéos alors pourquoi le snober pour prendre un humoriste qui a la même tare que Jamel Debbouze ? A savoir être incapable de se faire oublier dans un personnage et partir dans son propre trip. Et à moins d’être un mister incognito en costume d’exécutif drogué à l’urine de raton laveur, je ne peux pas chercher à comprendre la logique derrière.


Chaque fois qu’on entend Sonic et donc Bentalha ouvrir sa boîte à parole, ça n’est jamais le hérisson hyperactif et cool qu’on retrouve. On a davantage la sensation de passer un moment avec un pote ultra lourdingue qui veut mettre l’ambiance mais finit par devenir plus exténuant qu’autre chose sur le long terme, quitte à donner envie de coller des baffes à foison. Si on ajoute en plus ses textes qui semblent improvisé (je ne sais pas si ça a été conservé dans la VO), ou même certains qui me semblent être des erreurs de traduction (Robotnik n’est pas encore surnommé le docteur Eggman dans ce film, alors pourquoi Sonic lui donne ce surnom lors d’une de leur énième rencontre ?), on ne retient que le design se voulant plus fidèle au personnage mais ça ne suffit absolument pas à le faire tenir sur un film d’une heure et demi. Et qu’on ne vienne pas dire que c’était pour vendre le film, celui-ci s’était déjà sabordé avec sa promo comme un grand couillon.


Et il devient vite difficile de trouver des bons points pour rattraper ces fautes de goûts et un tel manque de considération pour les joueurs et le public du côté des personnages humains. Tom Wachowski le premier qui est lisse et fade à en pleurer et semble plus aider Sonic par contrainte de la situation que par véritable attachement ou conviction. Pour dire, il faut que ça soit Sonic lui-même qui dise qu’il est un type bien avec son surnom du maître des Donuts, dés qu’on entre en interaction avec lui et sa femme c’est uniquement pour sa promotion à San Francisco comme policier et sa volonté de quitter Lambda City dans le Montana (non, hors de question que je l’appelle Green Hills) et il se retrouve mêlé dans une affaire ou, comme d’autres personnages de ce même type de divertissement, son évolution sera totalement superficielle et sans impact. Même James Marsden a l’air de s’ennuyer d’avance en jouant certains gags éculés du film (le discours d’adieu en plan fixe sur l’acteur, plan qui s’étire de longues secondes pendant que Marsden parle pour qu’on découvre qu’il ne s’adressait pas aux citoyens de la ville mais à un Donut, qui ça va faire encore rire ?) et durant les scènes de parlotte en bagnole.


Par ailleurs, je pense qu’on peut facilement résumer les limites de la réalisation de Jeff Fowler avec ces scènes de dialogues puisqu’il résume le plan plan général du film. Que ça soit le cadrage, l’absence de folie ou même de volonté de nawak ou d’audace dans les quelques scènes d’actions (alors qu’avec un pouvoir de super-vitesse comme Sonic il y a largement des possibilités), les champs contre-champs ayant vite fait de rendre mou l’intrigue centrale, difficile de voir la moindre envie d’implication dedans tant ça sent la commande sans âme. Et lorsqu’il y a enfin une tentative de tirer profit de Sonic et de sa super-vitesse lors d’une scène d’action, c’est principalement de la redite sans gêne et sans vergogne sur celle de Quicksilver dans X-Men Days of Future past de Bryan Singer (et accessoirement X-Men Apocalypse) mais le style et l’originalité en moins ainsi que l’impact visuel et graphique que ça laissait. Et les très rares bonnes idées subsistant n’ont jamais le temps ou les moyens d’être exploité à leur plein potentiel (les anneaux du jeu Sonic utilisés comme des moyens de téléportation vers d’autres mondes ou d’autres lieux, ça a beau être montré de manière vague ici mais l’idée était bonne pour bien des raisons, en action ainsi qu’en facteur émotionnel).


Mais au bout du compte, il y a quand même un acteur et un personnage qui relève à lui seul le niveau du bidule mal monté et mal fabriqué : c’est le docteur Robotnik et donc bien évidemment le grand, le seul, le dingo et l’inimitable show-man Jim Carrey. Certes, beaucoup diront que Jim Carrey fait du Jim Carrey mais de l’autre on sent tellement qu’il s’amuse dans la peau du machiavélique ennemi juré de Sonic que ça m’est impossible de lui reprocher quoique ce soit : son sens de la réplique souvent improvisé, ses mimiques faciales, son regard de cinglé égocentriste, même son costume, il transpire la présence chaque fois qu’il apparaît à l’écran. C’en est presque au point ou j’avais envie qu’il l’emporte face à Sonic tant il est plus drôle que la totalité des gags et répliques à but humoristique du film réuni.


D’autant que l’humour ne vole jamais bien haut et que ça peut même devenir quelques fois atrocement dérangeant dans les faits (Tom et Annie devant faire croire que Sonic est un enfant dans leur sac à deux employés de bureau, comment se fait-il que les flics n’aient pas été prévenu ? Encore plus quand on sait que Tom a un avis de recherche sur la tête à cause de Robotnik ?) quand ça n’est pas l’écriture déjà pas très bien torché du côté des dialogues qui fait tâche. Et ça ne rattrape pas vraiment les incohérences qui finissent par exploser au coin de la figure


(10 ans que Sonic vie sur Terre et il n’a pas tenté de visiter d’autres recoins en dehors de la petite bourgade ou vie Tom ? Comment fonctionne les anneaux de Téléportation si Sonic ne dit pas le nom du lieu ou il souhaite se rendre ?)


et le cahier des charges bien chiant qui se pointe à nouveau au mauvais moment


(le quiproquo entre Sonic et Tom sur le départ de celui-ci pour San Francisco suite à une mutation qu’il a demandé).


Et la cerise sur le tas de fiente, c’est la scène de conclusion servant de teasing à une suite


nous dévoilant Tails débarquer à son tour dans le monde des humains (avec le design du dessin-animé et des jeux bien sur… ma main à couper qu’il devait ressembler à tout autre chose à la base) et avec ce qui me semblait être sa voix française d’origine qui est celle de Marie-Eugénie Maréchal. Si les glands chargés du doublage pouvait la rappeler pour Tails le temps de quelques secondes, rappeler Alexandre Gillet était tout à fait faisable, là-dessus aucune excuse n’est acceptable. Mais en dehors du doublage, ça compte sur le fait qu’ils espèrent créer une franchise avec un premier film qui n’a de Sonic que le nom et quelques rares éléments tirés des jeux.


Donc, je pense que le constat est clair, j’ai pas aimé Sonic le film, et que ça soit en tant que fan ou en tant que néophyte à moins qu’on soit un jeunot de moins de 10 ans qui n’a pas encore construit sa culture cinéma, je doute très sincèrement qu’il trouve un public solide et les moyens de durer cinématographiquement. Et quitte à conseiller une franchise de jeux vidéos adapté en prise de vue réelle : Pokémon Détective Pikachu me semble infiniment plus indiqué car à défaut d’être exceptionnel ou très recherché, il a au moins le mérite d’être honnête avec ce qu’il propose y compris avec sa fibre nostalgique. Là ou ce truc se torche les furoncles avec une autre de ces franchies du jeu vidéo qui a droit à infiniment plus d’attention et de respect que ça soit vis-à-vis de ses fans ou de la licence en elle-même.

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