Sole signifie soleil en italien. Pourtant, Sole est le prénom donné à un enfant traité comme une marchandise. Pourtant, solaire est tout sauf parfaitement juste comme adjectif pour qualifier ce film. Toute l'idée du film est là, dans ce contraste entre la froideur de la mise en scène, de la photographie, des acteurs, mais aussi la froideur du sujet (la GPA illégale, enfin peu importe car à mes yeux la GPA légalisée serait presque autant dégueulasse que celle faîte en dehors de la loi) par rapport à ce qu'est la naissance d'un enfant. Le film est loin de toute idéalisation de l'arrivée d'un enfant, mais il n'en reste pas moins tout sauf nihiliste en montrant que cette naissance est capable de bouleverser des choses


à tel point qu'un jeune au regard vitreux et traînant en Sergio Tacchini finit par se sentir une âme de père (et un père d'une grande douceur !).


Pour suivre l'évolution du film, il faudra suivre l'évolution du regard des deux personnages principaux. D'abord d'apparence vides, ils se transforment petit à petit en désir, en désir de l'autre, en désir de vivre. Il faut suivre ces regards car la parole se fait rare, les gestes aussi. Le cadre et le format du film les enferment individuellement, ils paraissent seuls et coincés dans leur vie. De cette froideur se dégagera petit à petit une douce chaleur magnifiquement accompagnée d'une musique qui se faire rare mais harmonieuse avec l'image lorsqu'elle se laisse enfin entendre. Ce sont des émotions qui se méritent, qu'il faudra aller chercher après une longue partie du film.
Regardée de loin, l'écriture paraît prévisible et peu originale, mais le tout est si subtilement amené et fait avec tant d'amour et de précision que je n'ai pu qu'apprécier. Les acteurs ne sont pas dans la prestation, ils incarnent leur rôle. Le choix de casting me paraît excellent, les deux ont cette douceur qui se cache derrière une apparence froide. Et ils sont tous les deux beaux comme des dieux.


Sur le sujet en lui-même, à savoir la marchandisation du corps, il n'est pas question pour le film de moraliser outre-mesure les personnages. La mère porteuse n'est ni une "salope" sans éthique (telle qu'elle sera appelée par un personnage tertiaire du film) ni une parfaite petite victime. La mère acheteuse (oui j'aime mon cynisme qui appelle un chat un chat) n'est pas humiliée, ou en tout cas sa position est critiquée de manière subtile. On devine une bourgeoise satisfaite d'elle-même qui idéalise l'enfant, le désir absolument et se trouve frustrée dès la première désillusion (le nourrisson préfère le lait de sa mère biologique plutôt que le lait que veut lui donner sa mère acheteuse).


Beau film. Un nouveau réalisateur italien à surveiller ?

Seingalt
5
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le 8 sept. 2020

Critique lue 203 fois

Seingalt

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