Onomatopée d'une baffe...
Venant du documentaire pur, Marc Levin a toujours du mal à mettre de côté son savoir-faire dans ce domaine, même lorsqu'il tourne une fiction. Ainsi, de la même façon qu'il s'attache à un vrai rappeur pour incarner... un rappeur dans Brooklyn Babylon, il monte une histoire autour de Saul Williams (poète/slammeur/rappeur de son état) pour parler de slam.
Pourtant, le slam n'est ici qu'une toile de fond qui permet de mettre en forme la construction d'un homme (interprété, donc, par Saul WIlliams). Et à travers cette trame scénaristique sont en réalité abordés une quantité incroyable de messages, ou tout du moins de réflexions, sur des thèmes très variés. Citons dans le désordre la condition des afro-américains, tant dans son origine (traite des noirs) que dans sa contemporanéité (ghetto, traffic de drogue, gang), la violence, le pardon, l'amour, les différences, la culpabilité, la capacité d'assumer ses actes, etc.
Dit comme ça, je sens que j'ai fait décrocher 94,36% des gens qui lisent cette critique sans avoir vu le film. Et c'est vrai que quand on n'est un peu moins sensible au hip hop ou à la culture abordée ici, il y a de fortes chances que l'on trouve ce film relativement banal.
Mais vu la façon dynamique de filmer tout cela, et surtout la capacité de transposer visuellement les émotions des protagonistes, ce film tient pour moi de la perfection. Il se dégage de chaque instant une totale adéquation entre le fond et la forme (visuelle et sonore). Entre la symbolique portée par chaque mot des slammeurs et celle portée par chaque image construite par Marc Levin, j'ai été emporté par un tourbillon de sentiments et de réflexions, me construisant mon propre voyage intérieur en même temps que le personnage principal.
Les différentes étapes de la compréhension de sa vie sont à chaque fois habilement amenées, par des biais et des émotions différentes (compassion, rage, résignation, révolte, honte). A ce titre, l'apport du personnage fémini interprété par Sonja Sohn est à l'image de la richesse du film. Son attitude est tour à tour de grande ou de petite soeur, de mère, d'amante, capable de sensibilité, d'humour, d'autorité, de support, etc... Et elle est l'élément déclencheur de l'élévation intellectuelle et sensible du personnage principal.
Et à chaque claque que se prenait Saul Williams dans l'histoire, je découvrais un nouveau niveau de lecture. A tel point que 12 ans après sa sortie et après l'avoir vu plus de 10 fois, j'ai encore l'impression de découvrir de nouvelles métaphores dans la bouche de Williams, tout autant que dans les images de Levin.
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