Si tu prends ma place, prends mon handicap ?

A la fin de chaque film dans lequel apparaît en solo The Rock, aussi sympathique soit-il, on ne peut s'empêcher de penser que l'acteur passe à côté de quelque chose.


Car sa montagne de muscles bandés et stéroïdés couleur caramel le destinait de manière assez évidente à prendre la relève des action star des années 80 : des Schwarzenegger, des Stallone et autres Van Damme. Il n'aurait pas dépareillé dans l'exercice du démastiquage de masse ou dans celui du coup de tatane à mains nues, comme ses bastons dans la franchise Fast & Furious l'ont prouvé. Le magnétisme n'aurait peut être pas été là, encore que. Mais bon Dieu, niveau action pure, quel malheur il aurait fait !


Sauf que le bonhomme a choisi une autre voie. Celle de la comédie légère, ou encore celle de l'action tout public, où il joue toujours le même rôle, celui du père meurtri qui souffre pour sauver les siens. Voilà ce qui guide sans doute le bonhomme : se fabriquer une image sans tâche de héros valeureux qui ne fait couler le sang que pour faire triompher les valeurs de la sacro-sainte famille états-unienne bien propre sur elle.


Skyscraper fera cependant entrevoir les limites de la formule The Rock de manière assez criante et déceptive. Car ce qui marchait dans un San Andreas, sans méchant identifié, ou Rampage il n'y a pas si longtemps ,peine à captiver dans son dernier opus, pour le moins. Toujours le même rôle, toujours les mêmes enjeux, rien ne change, tandis que l'action se passe encore une fois en mode mineur dans ce qui aurait pu constituer un remake un peu sympa de La Tour Infernale ou du Die Hard de McTiernan.


Or, dans Skyscraper, il n'y a presque rien de ses aînés : pas de gouaille réjouissante, pas de rythme, pas de sens de l'espace, pas de charisme pour les méchants, pas de sensations, même du haut de cette tour qui est censée être la plus haute du monde... Et l'action, elle, sera bien maigre, au point de penser que Neve Campbell tabasse bien plus que son époux ex-catcheur changé encore une fois en bon gros nounours. Un comble. Tandis que le sang ne coulera qu'avec une extrême parcimonie, puisqu'il ne devra pas éclabousser l'image de héros parfait de sa figure de proue.


Finalement, on assiste devant Skyscraper à un spectacle castré et bien mou du genou, comme si le réalisateur de la chose, tout comme celui qui a payé sa place, était sous l'emprise d'un puissant anesthésiant. D'autant plus que, déjà handicapé par le cahier des charges estampillé The Rock, le film est encore alourdi par la volonté de caresser dans le sens du poil les capitaux chinois qui ont permis de le financer. Ainsi, aucun autochtone ne saura rossé par Dwayne, aucune excentricité ou déviance n'aura droit de cité, au contraire de fréquents encarts publicitaires ou autres plans de foules rivées à l'écran, et une célébration du savoir-faire chinois, dont la tour, malgré l'incendie généralisé, tiendra toujours debout, elle...


Si l'on ajoute à cela les expédients habituels d'un climax bas du front, le trauma initial crétin, la mollesse de l'ensemble ou encore le fait que le handicap du héros ne sert absolument à rien, on se dit que le film, malgré sa délocalisation en terre hong-kongaise, ressemble malgré cet exotisme toc à ses milliers d'homologues sortis à la chaîne par l'entreprise de divertissement hollywoodienne. Inoffensif, pasteurisé comme un roquefort dont on s'est acharné à enlever toutes les moisissures qui en font pourtant tout le goût, Skyscraper ne laissera aucun souvenir à son spectateur à la seconde où celui-ci aura quitté la salle. Sauf cette impression tenace que The Rock gaspille son physique de char d'assaut dans ce genre de divertissement sans âme ni rugosité.


Behind_the_Mask, qui lui, au moins, s'amuse bien avec sa prothèse.

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le 14 juil. 2018

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