Skyfall marque la mue de James Bond. Une mue entamée dans Casino Royale où il avait fallu attendre la fin du film pour entendre la fameuse réplique culte « Bond, James Bond ». Une mue entachée par un Quantum of Solace hors-sujet et pas franchement glorieux. Cette mue s’achève avec les deux dernières minutes légendaires de Skyfall où une question longtemps restée sans réponse y trouve sa résolution (le meilleur, c’est que les puristes ne trouveront pas de raison pour râler à part deux, trois vieux cons qui vont nous faire : « ce mystère n’aurait jamais dû avoir sa réponse »). Avec Skyfall, Daniel Craig pose non pas une pierre mais un mur entier dans cet immense édifice dont la construction avait débuté par un roman écrit par Ian Fleming, ce roman s’appelait justement Casino Royale (le véritable James Bond 0).

Daniel Craig incarne un James plus proche de Bond que dans ses précédents long-métrages et marque la vraie résurrection de l’espion au service secret de Sa Majesté. Après tout, c’est sa spécialité, la résurrection… Il a ressuscité six fois déjà, de Sean Connery à George Lazenby pour revenir à Sean Connery, ensuite Roger Moore a prêté ses traits pour l’espion 00 avant de laisser sa place à Timothy Dalton (les pires pour moi). Finalement Pierce Brosnan a achevé le personnage en concoctant un mélange subtil de Sean Connery et de Roger Moore, il est pour beaucoup le James Bond idéal. Daniel Craig a marqué la stupeur générale, un blond, un mec qui ne rigole pas, un James Bulldog dans Casino Royale – un mix à la mode entre Jack Bauer et Jason Bourne (deux personnages qui ont les mêmes initiales que l’agent secret du MI6, hasard ou coïncidence ?). Personnellement mon préféré a toujours été Pierce Brosnan dans GoldenEye (je l’ai vu un nombre incalculable de fois). Mais il faut avouer que dans Skyfall, il incarne un James terriblement humain pour un épisode explorant davantage sa psyché que tous les épisodes de la saga réunis.

Pour permettre aux spectateurs d’analyser James Bond comme des Freud en herbe, il fallait un réalisateur capable de concilier la dimension humaine et le cahier de charges d’un blockbuster. Le choix de Sam Mendes peut surprendre. Le réalisateur britannique n’étant pas vraiment réputé pour les blockbusters mais finalement, il se révèle être le choix parfait. Car ses films ont toujours bénéficié de deux éléments, une beauté graphique splendide et une capacité à fournir aux spectateurs des éléments subtils mettant en exergue l’humanité de ses personnages et cela peu importe le contexte : l’American Way of Life dans American Beauty, le film de gangster des années 30 dans Les Sentiers de la perdition ou la guerre du Golfe dans Jarhead.

Avec Skyfall, il signe probablement le James Bond le plus beau de tous les temps. Chaque cadrage est une case de BD pure où chaque pose de Daniel Craig est iconique et pas seulement lui, aussi celles de M et du grand méchant Silva. Sans oublier une direction photo et de lumières à mourir de bonheur. De nombreux plans deviennent cultes à peine imprimés sur la rétine. C’est la grande force de Skyfall malgré un générique un peu décevant (seule la voix d’Adele remonte le niveau). La réalisation ne souffre d’aucun reproche. Les scènes d’actions sont une merveille de lisibilité (suffisamment rare récemment pour être souligné). Il y a du Nolan dans ce James Bond, seulement là où Nolan a plutôt tendance à parfois rater ses scènes d’actions les plus tendues (la bataille finale de The Dark Knight Rises est un exemple parfait), Sam Mendes les sublime. Elles sont, à défaut d’être les plus spectaculaires de la saga, les mieux maîtrisées (la scène d’ouverture est un bel exemple, le combat final assez foufou).

Le méchant Silva incarné par Javier Bardem me faisait très peur au premier abord surtout quand on a en tête la performance de Mathieu Amalric dans Quantum of Solace. Je vais être pitoyable mais ce qui me faisait le plus peur, c’est sa crinière blonde. J’étais persuadé que je n’arriverais jamais à m’y faire et que je me marrerais tout le temps en voyant Javier sur l’écran. Mais j’avais oublié No Country for Old Men où il avait une coiffure encore plus ridicule… J’ai encore pris une claque de sa part. La scène introduisant le méchant est d’une telle force qu’elle confine au génie pourtant la réalisation n’a rien de spéciale, la caméra ne bouge même pas, ne fait pas de zoom toutefois le monologue de Silva est une merveille traduisant en quelques mots la nature terrifiante de l’ancien 00. Difficile de ne pas penser au Joker de Nolan (une référence ?) surtout sur la pose prise par Silva lors de son emprisonnement. C’est limite si on ne s’attend pas à le voir s’écrier : « Why so serious ? ». Oui Silva est un méchant Bondien parfait, on savait que les nouvelles aventures de 007 s’inspirait de ce qui se faisait de mieux chez la concurrence alors quand il s’inspire du Dark Knight, on ne peut pas trouver mieux comme modèle. Il récupère même quelques thèmes vu dans le Rises comme la vieillesse et le corps qui ne suit plus. En tout cas, quel plaisir de voir un VRAI méchant faisant passer aux oubliettes le français du précédent et même Le Chiffre. Silva est l’anti-thèse de James Bond comme Le Joker est celui de Batman. D’ailleurs, il est amusant de souligner que Silva pourrait être la représentation des James Bond passés se confrontant à celui de Craig.

D’ailleurs, les origines britanniques de Sam Mendes sont l’idéal pour ce James Bond car il est l’épisode qui installe son action en Angleterre. On y découvre des lieux de toute beauté typique de la capitale comme le métro. Mais non content de déménager à Londres, il se permet quelques escales dans des lieux où on ne peut dire que « Ouah !!! » comme Istanbul (enterrant au passage toutes les scènes d’action de Taken 2 en dix minutes), Shanghai (environnement psychédélique n’étant pas sans rappeler les James Bond de Roger Moore) ou encore Macao (encore du 007 à l’ancienne avec ces décors semblant tout droit être sortir d’un univers parallèle et son animal monstrueux pour remplacer les fameux requins). On retrouve dans Skyfall, ce goût de l’espion pour les environnements atypiques. James nous refait découvrir des décors d’un autre monde, celui des 00. Le pèlerinage en Ecosse est aussi un bon moment mais je vous laisse la surprise.

Cet épisode est aussi celui qui fait de M un protagoniste principal car elle est la cible. Elle permet d’approfondir la relation ambiguë entre 007 et sa « mère adoptive » et de révéler son histoire longtemps resté cachée. Malgré quelques incohérences (du moins, je le crois), elle permet à Judi Dench de mieux s’impliquer et d’offrir une belle prestation.


SPOILER
Dans ce James Bond nouvelle génération, on voit que M est la première M de James Bond or elle l’était déjà du temps de Pierce Brosnan.
FIN SPOILER


Q est aussi de retour pour un résultat pour le moins détonnant. Malheureusement, toujours pas de gadgets mais une réplique assassine témoignage du retour de l’humour – d’ailleurs, Daniel Craig a récupéré un lot impressionnant de répliques ayant un permis de tuer. Quel régal. Le seul défaut de ce James Bond est à imputer à la James Bond Girl Bérénice Marlohe vraiment fade. Heureusement, Naomie Harris est là.
Marvelll
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le 27 oct. 2012

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Marvelll

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