Dans une uchronie post Seconde Guerre mondiale, Kannami est pilote de chasse. Fraîchement assigné à une nouvelle base, il se présente à la commandante en chef Kusanagi. Les missions s’enchaînent, entrecoupées d’attentes oisives qui sont ponctuées par les sorties au bar et les prostituées. Mais Kannami se questionne sur son prédécesseur. Le comportement de Kusanagi est étrange, particulièrement à son égard. C’est vrai que, comme lui, les kildren sont des êtres à part. Mais c’est dommage qu’il n’arrive pas à se souvenir de son passé, cela l’aurait peut-être aidé. Et puis cette guerre qui dure depuis tellement longtemps et qui semble ne jamais devoir finir, quelle lassitude…
Mamoru Oshii est un philosophe qui met en images ses questionnements métaphysiques. Après les sublimes Ghost in the shell 1 et 2, il revient s’interroger sur le sens de la vie et ce qui nous définit comme être humain. Pour cela, il réutilise son basset fétiche et le personnage de Kusanagi. Il reprend également le décor de la Seconde Guerre mondiale ainsi que le prénom Jinroh, titre d’une de ses précédentes œuvres.
Il faut d’abord préciser que The sky crawler est un film sur la guerre, mais non pas un film de guerre. Les scènes d’action, magnifiques par ailleurs, sont très peu nombreuses. Il n’y a quasiment pas d’évènements dans cette histoire, essentiellement des questionnements et encore, majoritairement silencieux. Comme d’habitude, le réalisateur n’explique pas son scénario et sème des indices tout en laissant le spectateur assembler le tout sans jamais lui donner la conclusion. Du coup, il faut un deuxième ou même un troisième visionnage pour comprendre ce qui se passe vraiment. Pour ceux qui sont pressés, voici le fin mot de l’histoire :
La société Rostock a créé une drogue, le kildren, qui rend immortel. Elle stoppe le vieillissement et permet de revenir à la vie. La compagnie offre donc une guerre factice à la population en s’entendant avec une entreprise d’un pays voisin. Les affrontements sont essentiellement aériens, car spectaculaires et faciles à filmer. Les combattants sont des adolescents immortels sur lesquels a été testée cette drogue. Leur mémoire ne retient plus rien tellement elle est vieille et revit tout le temps les mêmes choses. Cette guerre factice satisfait les besoins sanguinaires de la population humaine qui vit depuis dans la paix tandis que les combattants, eux, reviennent à la vie encore et encore.
Graphiquement, le film est difficile. Oshii a repris la désagréable technique de Ghost in the shell 2 en mélangeant images de synthèses hyperréalistes et dessins animés simples. Les personnages ont déjà des traits peu marqués (ce sont des adolescents), mais la ligne sobre du dessin accentue cet anonymat et contraste violemment avec les décors numériques.
La narration est lente, longue, oscillant entre angoisse et dépression. Comme Kannami, on aimerait bien avoir le fin mot de l’histoire, mais à quoi bon ? La dépression suicidaire de Kusanagi n’intéresse personne, même pas elle, et l’absence de sentiment de la part de Kannami (il baise docilement les nanas qui le lui demandent) rend cette déprime carrément déplacée. Enfin, la fille de Kusanagi est un mystère qu’on aurait bien aimé percer. La colère de Midori contre Kusanagi est également insolite. Est-elle jalouse de son amour pour Kannami/Jinroh ? Bref, le film est âpre et laisse plus de questions que de réponses. Ses images sont belles sans être transcendantes et, à force de se prendre la tête, l’histoire finit par perdre les spectateurs les plus endurcis. Dommage, c’était quand même une très bonne idée. Et puis, ça fait toujours plaisir de retrouver Kusanagi…