De la drogue, des flingues et des tongs !

Sicario, dont l'impressionnant casting était la principale sinon la seule raison pour laquelle je l'attendais, se veut original par son approche réaliste où de nombreux plans contemplatifs viennent freiner l'avancée du récit, parfois afin d'y apporter une certaine mesure faisant naître le suspens tout en nous présentant la beauté désertique et le bordel crasseux des paysages mexicains dans lesquels nos protagonistes évoluent mais parfois, cette perspective échoue et rend simplement le déroulement du scénario plus mou, moins fluide car les enjeux ne justifient pas tel procédé et s'en retrouvent amoindris. Ces enjeux justement, ceux pour Del Toro, Blunt et Brolin de filer le bras droit d'un boss de cartel dans le but de découvrir la planque de ce dernier sont clairement exprimés lors de la scène d'ouverture, brillante de par sa mise en scène viscérale alliant tension et action avec brio.


Ainsi, comme l'on pouvait s'y attendre, le traitement scénaristique de ce thème pourtant classique (police contre trafiquants de drogue) apporte sa patte de nouveautés et le jeu d'acteur est dans l'ensemble très agréable malgré le caractère relativement monolithique et froid du personnage de Del Toro qui s'avère, bien que voulu, frustrant car il demeure bien trop mystérieux tout au long de son développement. A cela s'ajoute la présence de certaines courtes scènes pas forcément indispensables faisant perdre le fil du récit.


Plus globalement, la réalisation de Sicario n'a pas grand chose d'autre à se reprocher, de nombreuses séquences sont très bien filmées de par la qualité de leur cadrage doublée d'une dynamique de mouvement saisissante, découpées d'un montage dans le ton et sublimées par une très belle photo ainsi qu'une lumière parfaite. Villeneuve s'offre même un plan-séquence audacieux avec une caméra thermique au rendu esthétique intéressant, contribuant à l'ambiance en grande partie maîtrisée pesante et angoissante du film. Les dialogues sont dans l'ensemble réussis et amènent quelquefois un humour noir bienvenu, majoritairement grâce au personnage de Josh Brolin, excellent en flic désinvolte se permettant toutes sortes de frasques (porter des tongs en réunion !) sans jamais céder à la lourdeur. Le personnage d'Emily Blunt est également touchant et on suit avec attention et admiration les péripéties dans lesquelles elle s'entraîne sans qu'elle n'en comprenne jamais la véritable nature à temps, bien qu'y consacrant toute son énergie. Quelques seconds rôles sont bien exploités, Jon Bernthal en tête de liste, et permettent une importante mise en lumière des points de vue détenus par les protagonistes principaux. Certains twists se révèlent plaisants, bien que quelquefois prévisibles, et apportent différentes grilles de lecture aux relations qu'entretiennent police et Cartel, évitant de fait un manichéisme jugeant cruellement ses personnages tout en s'avisant de leur donner des leçons déplacées.


Le final de Sicario se veut marquant et est à mon sens réussi de ce point de vue mais laisse un arrière-goût d'inachevé. En effet, les personnages ne bénéficiant pas tous de la même qualité d'écriture et certains défauts du film étant pour le moins dérangeants, le film ne parvient pas à réellement marquer malgré d'indiscutables qualités.

krator
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le 17 oct. 2015

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