C'est la fleur au fusil que je me lance dans le visionnage du premier film de Jeff Nichols. Rassuré en un sens par son travail impeccable sur "Mud", premier contact avec ce cinéaste, j'ai toutefois une légère appréhension: le réalisateur avait placé la barre très haut concernant l'histoire de ces deux enfants dans le Mississippi, ainsi que celle de ce personnage complexe et mystérieux. Rôle provoquant, avec deux ou trois autres prestations marquantes, un sursaut dans la carrière de l'excellent Matthew McConaughey. Alors, avec ce "Shotgun Stories", peut-on espérer une véritable décharge, ou l'oeuvre a-t-elle du plomb dans l'aile ?

L'enjeu ici était donc de découvrir son galop d'essai, réalisé avec trois bouts de ficelles, un scénario à priori moins bien écrit, un propos moins ambitieux aussi sans doute. A l'origine, un homme abandonne sa femme et ses trois enfants, refait sa vie, fonde une nouvelle famille, et meurt. C'est à son enterrement que les querelles ressurgissent, les enfants initialement délaissés venant perturber la cérémonie. Son, Boy, Kid. Leur prénom en dit long sur l'amour que leur géniteur leur portait. L’abandon, détonateur d'une "simple" histoire de haine et de violence entre deux fratries redneck. Mais de vrais acteurs, à commencer par le fidèle serviteur de Nichols, tout en sobriété et en justesse. Sa partition de Son étonne à mesure que les frères s'empoisonnent et que la bande originale que le frère de Nichols, et non Elton John, entonne. Bravo, Shannon !

Le film aurait très bien pu s'appeler "Son - Sur les rives de l'Arkansas" que cela n'aurait été choquant, tant l'on retrouve des similitudes dans la manière de faire du cinéaste. Plombé toutefois par de légers problèmes de rythme, à moins qu'il ne s'agisse de l'effet contemplatif si cher à ce Jeff, "Shotgun Stories" reste prenant et poignant de bout en bout, et parvient à surprendre. [SPOIL]A cet effet, il pousse à une réflexion post-visionnage intéressante: à partir du moment où les armes à feu apparaissent, il n'y a plus de victimes. Comment l'interpréter ? Doit-on se dire que le film n'est qu'une vulgaire propagande pro-armement ? Ou bien peut-être, un peu plus finement, que l'homme n'a pas besoin d'être armé pour révéler sa nature violente et létale ?[/SPOIL]

Jeff Nichols tire cartouche après cartouche, non sans recul. Une première salve prometteuse. Il laisse les histoires de chèvres aux "teens" et s'adresse ici à un public plus mûr. Visant juste à chaque déflagration, tout porte à croire qu'il n'a pas eu de coup de pompe.

* http://www.youtube.com/watch?v=jhdFe3evXpk
Gothic
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le 7 sept. 2014

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