Le conte de la belle et du petit con

Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en regardant Shéhérazade, je ne connaissais ni le sujet, ni le réalisateur (dont c'est le premier long métrage). Et franchement, c'était vraiment pas mal du tout. Disons qu'on est immédiatement plongé dans la banlieue marseillaise, avec les accents, les trafics de drogue, la prostitution, mais on voit tout ça au travers du point de vue du héros du film, Zac, un délinquant qui sort de prison. Il connaît ce milieu ce qui permet de lui donner une certaine chaleur humaine.


Parce que forcément vu de l'extérieur c'est juste l'enfer, mais vu que notre porte d'entrée est cette petite frappe qui va chercher simplement à vivre, que ça soit en vendant de la drogue, en retournant chez sa mère, etc, on a un regard plus empathique sur ce beau merdier.
Mais Zac est loin d'être une sorte de héros vertueux ou autre, c'est vraiment ce que l'on appelle un petit con, il est impulsif, violent, insultant... Il pourrait être détestable, mais vu qu'on le suit de très près pendant quasiment deux heures, on finit par le comprendre.


C'est peut-être la force du film, réussir à faire en sorte que le spectateur puisse comprendre un type qui ne réfléchit pas, qui n'est que nervosité et impulsivité. On voit bien que le milieu dans lequel il vit est néfaste, pour lui comme pour les autres. Et malgré le bordel ambiant, il s'attache à cette jeune prostituée répondant au doux nom de Shéhérazade. L'alchimie entre les deux personnages opère immédiatement, pour le spectateur comme pour Zac c'est un bol d'air frais qui permet d'illuminer le film.


Je dois dire que c'est marrant de voir une Shéhérazade d'un autre genre, après celle de Gomes, fréquenter la ville de Marseille. Elle aussi, vendant son corps, aime bien parler avant de faire l'amour... Et la beauté du film c'est qu'elle va finir par parler pour s'en sortir, pour dénoncer les horreurs qu'elle a subies afin de faire en sorte que ça cesse. Zac, quant à lui, va avoir le choix, se joindre à la parole de sa bien-aimée, ou bien se taire.


Mine de rien le film est vraiment touchant car les relations entre les personnages fonctionnent. Et elles fonctionnent d'autant mieux que les personnages sont vraiment crédibles, on s'y croirait... Le film prend le temps de s'arrêter sur quelques moments de tendresse entre Zac et Shéhérazade. Le temps semble se suspendre, la photographie du film semble s'illuminer avec une musique enivrante pour l'accompagner, contrastant ainsi avec la lumière naturelle (et les scènes en contre-jour ou sous exposées) du reste du film. Ce qui permet immédiatement de comprendre les motivations du personnage, il a beau ne pas vouloir le reconnaître, il est amoureux.


C'est cet amour qui va être un peu le centre du film, parce que les autres du milieu d'origine de Zac ne comprennent pas ça, pour eux une prostituée, c'est une prostituée, ça ne se respecte pas, elle n'est pas réellement une femme, on peut lui faire ce que l'on veut. Cet amour va donc créer des conflits, mais surtout motiver les actions de Zac et lui permettre au moins un peu de s'émanciper de son milieu d'origine... pas bien loin, mais il lui donne des rêves, des espoirs et des objectifs...

Moizi
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le 24 mai 2020

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Moizi

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