Une ivresse efface mille tristesses.

Ayant rapidement sombré dans la redite facile et l'interminable teasing de son propre univers étendu, le MCU est peu à peu devenu un genre à part entière, codifié et lassant. Il était temps que les choses bougent. Et l'outsider Shang-Chi, avec son univers chinois et son appartenance au lore de Marvel méconnu, ne pouvait que se ramasser la tronche ou surprendre, chose que le film de l'Hawaïen Destin Cretton (La Voie de la justice) réussit à faire avec une certaine brio.

Il y a des défauts dans cette Légende des Dix Anneaux, ne nous leurrons pas, des défauts principalement dus à Marvel himself, obligé de constamment rattacher ses wagons pour étendre son univers et perpétrer une formule efficace. Certaines pointes d'humour bateau continuent donc d'apparaitre sporadiquement dans le long-métrage tandis que le final, vrillant dans le total gonzo numérique, respecte le cahier des charges de la production qui souhaite tout de même son moment de bravoure plus proche du jeu vidéo que de l'epicness fantastique.

Toutefois, la différence majeure entre Shang-Chi et le reste de ses comparses réside essentiellement dans la mise en scène, enfin libérée du carcan imperceptible (principalement) instauré par les frères Russo, où Cretton va démontrer un savoir-faire inattendu en proposant de l'action aérée, un rythme soutenu et une lisibilité que l'on croyait perdue. Agréable de bout en bout, résolument plaisant sans parvenir à être bluffant, le long-métrage est un blockbuster efficient, avec une histoire classique mais entrainante, des personnages travaillés et une approche inédite chez Marvel, qui ne va par exemple pas hésiter à privilégier les passages en mandarin plutôt qu'un anglicisme facile et inapproprié.

On regrettera néanmoins un enrobage numérique toujours trop présent, des costumes un brin factices pour ne pas dire ringards et l'arrivée d'une fantasy chinoise plus proche des derniers Tsui Hark que de la rêverie espérée mais dans son ensemble, Shang-Chi réussit à nous transporter dans son univers, à ne pas réitérer sa balourdise éculée et à enfin proposer un villain consistant, incarné ici avec brio par un Tony Leung étonnamment touchant. Quant au rookie Simu Liu, lui sur lequel on ne donnait pas un kopeck pour supporter un tel rôle, il demeure au final l'un des personnages les plus attachants du MCU. Comme quoi.

En définitive, un film de super-héros différent, qui se démarque de ses frères et sœurs en proposant clairement une alternative aux héros connus, en respectant la culture qu'il présente (venant de Disney, on craignait le pire) et en faisant - de manière assez inutile et poussive - un rattrapage de ses précédentes bourdes avec un peu de pognon (coucou Iron Man 3). Well done Marvel.