Shaft
5.6
Shaft

Film de Tim Story (2019)

Rien de neuf sous le soleil californien

Quand JJ Shaft s'est penché sur le décès suspect d'un ami, il ne se doutait certainement pas que cela l'amènerait à renouer avec les liens du sang. Accompagné de son détective de père, il fonce tête baissée vers ce qui s'annonce bien être un véritable massacre. Mais il trouve sans difficulté sa place, et marche rapidement dans les pas paternels.


Le projet est sympa : reprendre Samuel L. Jackson et Richard Roundtree dans le rôle des Shaft seniors, et y faire apparaître un petit nouveau, Jessie Usher, en Shaft Junior. Un travail sur la rencontre entre trois générations de Shaft, qui pourrait s'avérer très riche. Malheureusement, le film peine à dépasser le stade d'une comédie policière divertissant. Pourtant, les dix minutes d'introductions sont pleines de promesses : un beau générique qui joue déjà sur l'intrigue et le suspens avec un procédé de dissimulation et la disparition des lettrages qui éveille l'attention, un montage dynamique, et plusieurs clins d'oeil et références : Samuel L. Jackson qui reprend du Shaft (son rôle dans la version de 2000), le rappel à l'intégration du personnage au Marvel Universe avec un montage en planche, etc...


Passé cette intro qui donne l'eau à la bouche, tout redevient ordinaire. La technique, d'abord, évidemment, mais aussi le scénario qui ne brille pas par son originalité : un gars perd un pote louche, décide d'enquêter, évidemment le premier suspect n'est pas le bon, le deuxième non plus, il met le doigt dans un sac de nœuds que le dépasse, la fille se fait kidnapper, la technologie ne marche pas mais en fait si, le méchant meurt à la fin, le héros embrasse la fille, un plan large final qui montre comment le gamin est devenu un homme.


Car c'est bien de cela, finalement, qu'il est question. Être un homme, un vrai. Et tout comme les James Bond, dont il se réclame, John Shaft ne semble pas sensible au temps qui passe, aux mentalités qui évoluent, au monde qui l'environne. Si dans la dualité père-fils se cache un début de mise en évidence du generation gap, elle disparaît à l'arrivée du grand-père au profit d'un genre de complicité familiale qui ne colle pas du tout avec les personnages. N'est-ce pas Shaft (Jackson) qui, pour se défendre face aux reproches de son fils (Usher), se plaint de son propre père (Roundtree)?


Au-delà des blagues vaguement vaseuses, le scénario tout entier est l'exemple type d'une grosse production américaine. Tout est là, du placement de produits appuyé au manque d'éthique en passant par, évidemment, l'image du mâle, du bonhomme qui se castagne, s'impose et en impose, et se fait admirer par les nanas qui - après tout - ne sont bonnes qu'à ça. Et John Junior n'a qu'une chose à faire : marcher dans les traces de ses ancêtre sans se poser de questions, image même des gangster débordant de coolitude (pour ne pas dire de la couill-itude).


En terme d'action, seule la scène du restaurant a un véritable poids dramaturgique. Lorsque JJ se dresse au milieu de la fusillade pour tirer avec une précision de sniper, il porte clairement la marque des Shaft. Avec un drama souligné par des effets de ralentis juste bien placés, la musique décalée et le travail photographique qui la met en parallèle de la scène de la discothèque, cela suffit à en faire une des scènes-clefs.


Et si la scène où Shaft vient s'excuser auprès de la mère de son fils laisse entendre que le père peut aussi apprendre du fils, et que tout n'est pas risible dans l'attitude de John Junior puisque son père décide de l'appliquer en contrevenant à toutes ses standards virilistes, ce fabuleux moment est parasité par l'intervention du voisin qui n'apporte rien avant d'être complètement ruiné par la vanne de fin.


Dommage, car les nombreuses références cinématographiques qui pullulent dans ce film (à Terminator, Die Hard, James Bond ou Indiana Jones) l'intègrent dans un système culturel riche, et l'idée de la rencontre de trois générations pourrait vraiment en faire un film intelligent dont, en tant que public, on tire quelque chose. Mais tout cela est laissé au placard, au profit d'une trame éprouvée et de blagues sexistes à répétition. Au fond, c'est vrai : pourquoi faudrait-il changer une recette qui marche probablement depuis les années 70?

YuriDidion
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le 10 oct. 2019

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Yuri Didion

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