Howard Hawks aime mettre en scène des groupes ou des équipes d'aventuriers ou de professionnels soudés et tenus par le devoir, isolés du reste du monde et devant se débrouiller avec les moyens du bord. Que ce soit au milieu de l'Afrique (Hatari), au milieu du désert de l'Ouest américain. Ou bien encore dans une ville portuaire en Amérique du Sud pour assurer le relais d'un service aéropostal. Mais ce qu'il aime bien aussi c'est introduire dans un monde de brutes épaisses qui ne vivent en permanence qu'avec le danger et les risques, quelques femmes pour y jeter le trouble ou la raison ou l'amour ou les trois en même temps.

Dans "Seuls les anges ont des ailes", on a bien tous ces ingrédients. Mais, c'est d'abord un hommage appuyé à ces aviateurs qui prenaient bien des risques pour assurer l'acheminement du courrier avec si peu de moyens. Chaque fois que je vois ce film, je me remémore toujours les romans de Saint-Exupéry ou de Kessel dont les personnages se débattaient entre les risques inouïs et le devoir. On peut dire que Hawks aussi éprouvait ce même type de fascination pour ces hommes intrépides qui vivent au jour le jour.

Il est temps de parler de ce qui fait la force de ce film, le casting.

Le chef de l'équipe, Geoff, c'est Cary Grant dont l'abord est très froid. Tour à tour "service, service" ou enjoué alors qu'un de ses pilotes vient de se tuer quasiment sous les yeux de tout le monde. Bien entendu, ce n'est qu'une façade et les autres membres de l'équipe savent bien qu'il est vital pour le moral et pour l'avenir de ne pas s'attendrir : un bon moyen de rebondir en sublimant la mort.

Mais c'est Jean Arthur qui pénètre le film en y amenant une dose de gaîté et de tendresse que je trouve sublime. Bon, c'est sûr, je suis (très) légèrement subjectif car je suis toujours sous le charme de cette actrice en particulier chez Capra … Sa voix si particulière pas spécialement belle mais si attachante car complètement authentique.

Son rôle est celui d'une artiste de cabaret, Bonnie, descendue par hasard d'un cargo à l'escale et qui découvre ce milieu très fermé qui, sorti des missions aériennes, ne semble s'épanouir que dans les beuveries au bistrot. Bonnie prend la mesure de la gaité factice qui règne dans l'équipe lorsque survient le crash de l'avion et la mort du pilote malgré les efforts désespérés de tout le monde pour guider l'avion dans le brouillard. Sa touche d'humanité et de modestie va séduire et charmer tout le monde. La scène du steak suivie de la scène du morceau de jazz endiablé sont si attendrissantes. Oh et puis la scène du petit déjeuner au retour de Cary Grant, qu'elle est belle et émouvante ! Et puis, bon dieu, la scène finale à arracher des larmes !!

Et puis il y a aussi Rita Hayworth dont c'est un de ses premiers rôles. Elle joue le rôle de l'ex de Geoff (Cary Grant) mariée à un (autre) pilote. En opposition avec Jean Arthur, c'est la séduction faite femme, l'élégance, la beauté sculpturale : certes, elle crève l'écran mais n'est qu'une femme dont on ne sent pas les battements du cœur ; d'ailleurs les confrontations entre les deux femmes, malgré ou à cause des imperfections de Jean Arthur, tournent à l'avantage de cette dernière qui reste décidément tellement humaine.

Mais il ne faudrait pas oublier les seconds rôles comme celui de Kid, l'adjoint de Geoff joué par un sympathique, débonnaire et parfois rugueux Thomas Mitchell. Encore un qui développe une sacrée empathie. Sa dernière scène n'est que de l'émotion pure.

Ce film est une merveille …


JeanG55
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le 2 sept. 2022

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