Seule la terre est éternelle par Freddy Klein

Ne vous êtes-vous jamais posé la question de savoir comment fait un écrivain pour que les histoires qu'il raconte deviennent une réalité qui parvient jusqu'à nous ?

Ne vous êtes-vous jamais posé les questions les plus naïves et les plus simples, comme de savoir quand écrit celui dont vous aimez partager l'univers  ? Se lève-t-il à l'aube pour prendre la plume ou se penche-t-il sur la page blanche jusque tard dans la nuit en forçant sur le café noir ou le thé blanc, en abusant de boissons fortes ou de substances vénéneuses ?

Ne vous êtes-vous jamais demandé si celui dont vous avez guetté la publication des livres écrit avec un crayon de bois, un stylo à plume ou à bille, se met d'emblée devant le clavier de son ordinateur ou, fétichiste, devant son antique machine à écrire ?

N'avez-vous jamais voulu savoir si votre Victor Hugo préféré écrivait ses mots et ses phrases sur un coin de sa table de cuisine, dans le secret d'un coin aménagé de son grenier ou en tout lieu selon son inspiration de l'instant, y compris attablé dans le bistrot qu'il fréquente habituellement ?

Ne vous êtes-vous jamais interrogé sur sa connaissance des affres de la page blanche comme on nous décrit parfois la triste condition du prosateur ou s'il suffisait qu'on lui glisse un crayon entre les doigts ou un clavier sous le regard pour que les phrases coulent de source ?

N'avez-vous jamais été taraudé par l'envie d'entrer dans la vie si secrète de votre Le Clézio préféré tout en étant terrorisé à l'idée de n'avoir rien à lui dire et même de l'importuner ? Un peu comme quand vous vous retrouvez par le plus grand des hasards nez à nez avec le comédien que vous aimez et auquel vous pensiez avoir mille choses à dire si vous le rencontriez ?

Ne vous êtes-vous jamais demandé ce que faisait avant que ses histoires prennent corps celui dont vous aimez l'univers et les mots ?Se documente-t-il longuement ? Ses poches sont-elles remplies de petits papiers informes et de morceaux de nappe de restaurant griffonnés à la hâte pour ne rien perdre ? Les met-il ensuite bout à bout comme autant de pièces d'un puzzle dont certaines resteront des corps étrangers qui donneront peut-être vie à un écrit futur ? Conserve-t-il ces papiers épars parfois presque illisibles ou en recopie-t-il la substance dans des cahiers d'écolier ou des carnets de moleskine noire qui feront le bonheur de ceux qui se pencheront demain sur l'oeuvre de l'auteur pour en explorer les secrets de fabrication ?

Seule la terre est éternelle de François Busnel et Adrien Soland raconte la vie de Jim Harrison, un des grands écrivains et poètes américains, en lui donnant tout simplement et longuement la parole. Ce documentaire sur lui dans le décor si particulier des vastes plaines du Montana, des paysages rocheux tourmentés du Colorado et des chaînes montagneuses enneigées du Wyoming est une invitation à découvrir l'homme, l'écrivain et son œuvre.

Les réalisateurs nous offrent ainsi de passer deux heures en compagnie de Jim Harrison aujourd'hui décédé. Une approche de l'homme plus que de son œuvre. Deux autres écrivains de grande puissance me sont aussitôt revenus en mémoire : Jack London et Josepk Kessel dont j'ai lu autrefois les œuvres que je relis encore parfois.

Les histoires de leur vie sont précieuses pour approcher leurs œuvres ; ainsi avais-je vu avec beaucoup d'intérêt la biographie filmée du premier: « Jack London, une vie américaine » de Michel Viotte et lu avec autant d'intérêt la biographie écrite du second: « Joseph Kessel ou Sur la piste du lion » de Yves Courrière. Je ne connaissais Jim Harrison que de nom sans avoir jamais lu quoi que ce soit de lui. Ma démarche s'en trouve donc inversée. Je vais le lire.