En espérant qu'un jour viendra où nous vivrons en paix sur terre

Entre loi humaine et loi divine, en temps de guerre le choix n'est pas permis. Même s'il nous est interdit de tuer, nous sommes dans l'obligation d'abattre l'ennemi, non pas par plaisir mais pour préserver d'autres vies humaines, pour le bien commun de la communauté. « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » .


Sortie dans les salles américaine en 1941, quelques mois avant l'attaque de Pearl Harbor, Sergent York se place indubitablement comme un outil contre l'isolationnisme américain. Les pensées du peuple américains sont directement affichés à l'écran lors de la séquence dans la quincaillerie où les paysans présentent le peu d’intérêt qu'ils apportent à la guerre en Europe, exclamant qu'elle n'était pas chez eux. Pourtant, lorsque les États-Unis entreront en guerre, l'esprit guerrier de leurs ancêtres raviveront leur intérêt. Se jetant sur les inscriptions, cette séquence tente d'attirer l’œil du spectateur en pointant du doigt le passé victorieux des États-Unis. Néanmoins, cet élan patriotique sera contesté par Alvin C. York, le protagoniste du film. Croyant, il suit ce que prodigue les Saintes Écritures, celles-ci interdisant de tuer et de se battre. Le prêtre sera paradoxalement le premier à vouloir le convaincre, chose qui sera définitivement fait avec le major. S'il est louable de suivre les indications de la Bible, il ne faut oublier l’intérêt de tous. Les USA doivent se battre pour préserver la liberté de chacun ; Alvin doit se battre sur les terres ravagées des tranchées pour pouvoir continuer à labourer la terre paisible de sa ferme.


Alvin C. York est LE héros américain. Figure quasiment mythologique de l'histoire américaine, Alvin un homme simple de la campagne devenu héros de guerre dont il est facile de s'identifier. Tout d'abord alcoolique, paresseux et bagarreur, il deviendra au moment où il avait plongé le plus bas dans les abîmes, un fervent croyant. C'est le archétype du héros américain fort, courageux et aux nobles valeurs. Ses actions durant la guerre sont véritablement hors du commun, proches des héros reaganiens des années 1980 : il combat seul une horde d'allemand avec son simple fusil. A la fin de cette séquence héroïque, il se trouve au premier plan tandis qu'en arrière plan, des dizaines et des dizaines d'allemands se rendent, faisant ainsi d'Alvin une figure iconique.
De manière générale, le protagoniste est constamment valorisé, voire icônisé. Avant de se convertir, Alvin était présenté dans un enchaînement rapide de plans ses capacités déjà hors du commun et la naissance de son côté travailleur. A cette suite de plan y répondra une autre qui le présentera cette fois-ci sous les honneurs du peuple américain, comme pour boucler une boucle. Ce sera néanmoins lorsqu'il partira en permission qu'il deviendra une figure héroïque. Alors en plein doute sur son engagement au front, Alvin sera sur une colline, à contre jour, face à un ciel envahissant totalement le cadre. En lisant la Bible et surtout l'histoire des USA, il prendra conscience de son devoir, le ciel s'illuminant comme si Dieu approuvait son choix. C'est dans ces plans d'une incroyable beauté plastique que le paysan deviendra un héros bien avant la guerre.


Malgré le puissant discours humaniste, le film se veut trop moralisateur. Par la figure du prêtre, nous comprenons que pour réussir ce que nous souhaitons accomplir il faut garder la foi et prier au lieu d'agir. Ces préceptes seront représentés par Alvin qui travaillera sans relâche durant deux mois pour acheter une terre qu'il n'aura jamais, du moins pas après avoir mit la main à la pâte. En effet, il obtiendra finalement cette terre après s’être convertit. Faire le bien autour de soi et promulguer la bonne parole n'est en soi pas une mauvaise chose, cependant, le film dénigre presque le dur labeur et les athées.
Le conflit entre religion et athéisme sera souligner par une réalisation quasiment bipolaire. Lorsque le christianisme est mis en avant, les séquences sont calmes, accentués par de beaux plans fixes à la grande profondeur de champ et à la lumière vive, frôlant quasiment le symbolisme. D'un autre côté, lorsque nous nous rapprochons de « Satan », la caméra est endiablé dans un cadre sombre, chaotique et restreint. La première séquence du long métrage est le témoin de cet affrontement. Tandis que le prêtre prêche paisiblement à l'église, dehors Alvin et ses amis sèment la zizanie.


Howard Hawks nous a pondu avec Sergent York un grand film dans le sens complet du terme : nous y retrouvons de l'humour, du drame, un héros aux fortes convictions impossible à détester, et un beau message finale. Le film porte malgré tout un voile patriotique et religieux un peu trop exacerbé manquant de nuance, ce qui est toutefois excusable pour l'époque à laquelle il fut projeté.

Flave
8
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le 6 mars 2022

Critique lue 51 fois

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