Max Linder, c'est un peu le chaînon manquant entre le début des farces en courts-métrages réalisés par Georges Méliès et l'établissement du muet comique tel qu'il a perduré jusqu'à nos jours dans l'inconscient collectif, avec Buster Keaton, Charlie Chaplin, ou encore Laurel et Hardy pour les plus célèbres, et d'autres moins connus comme Harold Loyd. Les dates de sortie n'en attestent pas forcément, mais il semblerait que le français Max Linder ait été dix ans en avance sur les autres comiques qui ont écrit avec lui (et peut-être plus durablement) l'histoire du cinéma à travers les balbutiements de la comédie. On pourrait presque être intimidé par ce qui relève des prémices de l'invention d'un nouveau registre cinématographique, avec des codes et un style qui semblent assez différents des grands classiques.


On n'est pas vraiment du côté du miséreux assommé par sa malchance, pas plus que du côté de la répétition qui deviendrait un gag, au même titre que les coups de pied dans le derrière et autres joyeusetés (qui ne m'enchantent pas vraiment, euphémisme). On n'est pas non plus du côté l'humour injecté à grandes doses de LSD comme chez Loyd ni du côté de la poésie du clown à la Keaton, non : Max, réalisateur et acteur, adopte un langage qui lui est vraiment propre.


Le scénario de "Sept ans de malheur" pourrait être rapproché de celui du court-métrage "Max veut divorcer" : l'essentiel tourne autour d'un malentendu, avec d'un côté la promesse d'un héritage conséquent si le protagoniste est marié (alors qu'il passera tout le film a chercher à faire le contraire, suite à une erreur de notaire) et de l'autre la peur des fameuses années de malheur suite à la destruction d'un immense miroir (qui se terminera par une variation sur le thème "ils se marièrent et euront beaucoup (7) d'enfants"). Dans un premier temps, c'est la superstition de Max qui alimente le moteur humoristique de l'action, à travers une succession de grosses tuiles accumulées à grande vitesse. Puis viendra le temps de la fuite, avec une succession de petites scènes très attachantes — et qui feront des petits : la scène du miroir cassé sera reprise par les Marx Brothers douze ans plus tard dans "La Soupe aux canards" (1933) et la scène dans la cage aux fauves inspirera Chaplin pour "Le Cirque" (1927). Le cinéma de Max Linder me reste en grande partie inconnu, mais j'y pressens une certaine singularité. À confirmer ou infirmer.

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le 15 févr. 2020

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Morrinson

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