J’avais vu Dog Pound il y a quelques années. Et bien que je ne me souvienne pas des trois quarts des films que je vois (ni d’ailleurs des trois quarts de choses que je fais, mais c’est une autre histoire), je l’avais gardé en tête. J’ai été voir Scum, sans savoir que c’était le père originel du film de Kim Chapiron et, bim, re-baffe.


De revoir ces jeunes, pris dans un système qui ne leur a jamais voulu du bien, m’a rappelé avec précision les quelques années où j’ai animé des ateliers en prison et où j’ai entendu un paquet d’histoires comme celles-là, de la part de mineurs, de majeurs, de jeunes majeurs, de vieux : de tabassages, d’humiliation, de lutte pour garder la face, de suicides, de suicides qui étaient en fait des appels au secours auxquels personne n’a répondu, de viols, de personnes qui n’ont pas pu se rendre aux funérailles d’un proche, d’infantilisation de la part de l’institution, de normalisation forcée qui passe par une désubjectivation complète.


Scum fait preuve d’une certaine simplicité dans la construction des personnages, chacun semble être une allégorie d’un vécu carcéral : Archer, l’insoumis procédurier qui lutte par des moyens politiques, Carlin, le gros dur qui a intégré la règle qu’il fallait faire peur aux autres pour survivre, Davis, l’enfant encore trop enfant qui ne tient pas le choc et sur qui l’incarcération parvient plus rapidement à une destruction psychique absolue, Toyne, celui qui refuse radicalement et qui s’évade par le seul moyen qui fonctionne.


La scène de face à face entre Archer et le gardien où ils discutent de la nécessité de ces centres éducatifs m’a évoqué le demi-million de discussions d’une absolue redondance que j’ai pu avoir sur les prisons avec des gens de tous horizons. Le gardien essaie de confronter Archer à la naïveté de son utopie en lui demandant : « Et s’ils étaient dehors et qu’ils s’en prenaient à ta mère ? », et Archer de répondre avec une sincérité qui a la force d’un « tout mais pas ça » : « J’essaierais d’aller leur parler ».


Il y a quelques moments qui font du bien dans le film, qui permettent de laisser s’échapper un peu de vapeur, c’est quand les jeunes se révoltent. Quand Carlin reprend des forces contre les caïds de sa chambre, quand Archer annonce au gouverneur – protestant prosélyte – qu’il pense à se convertir à l’Islam, quand les tables sont projetées contre les murs du réfectoire. Pourtant, à chaque fois, le soufflé retombe et on ressent intensément le désespoir de l’échec d’une révolte, de son impossibilité. L’Etat est toujours le plus fort contre ces gamins-là. Ben moi, ça me fait crisser les os.


J’ai eu le cœur serré quand Toyne apprend la mort de sa femme et qu’il écrase de sa tristesse le mépris de la matron, quand ce petit garçon qui ne s’intéresse qu’aux petits chats de ses parents se fait humilier par le directeur parce qu’il ne travaille pas bien, quand cet autre garçon aux grosses lunettes, qui est manifestement là pour un truc assez grave dont il n’a pas bien l’air d’avoir conscience, attend une visite de ses parents qui ne vient pas. Et ce désespoir, cette violence, cette impuissance est portée par une esthétique assez ascète (ce sur quoi Dog Pound n’a pas tout à fait suivi si je me souviens bien) qui porte bien le propos du film.


Bref, j’étais colère en sortant. D’abord contre les gardiens, le directeur, la matron, le governor. Puis j’ai pesté contre notre pays qui continue d’agir en toute impunité dans ses lieux d’enfermement. Et j’aime bien ça les films qui me révoltent et qui me donnent envie de repartir à la charge.

Requin_Rouquin
8
Écrit par

Créée

le 12 sept. 2015

Critique lue 388 fois

1 j'aime

Requin_Rouquin

Écrit par

Critique lue 388 fois

1

D'autres avis sur Scum

Scum
Truman-
9

This is England

Nous sommes envoyé dans un centre de redressement pour mineurs au coté de Carlin jeune homme a la réputation de caïd, peu a peu on y découvre l'univers carcéral, la dureté des règles, la violence...

le 23 janv. 2014

25 j'aime

4

Scum
Kenshin
8

"Where is your tool?" "What fucking tool" ZBAM!

Froid et sans s'appesantir sur le pathos Alan Clarke nous fait pénétrer dans une maisons de redressement anglaise. Sans complaisance, sans issue, sans fioriture, sans musique même. Scum est un film...

le 27 févr. 2012

19 j'aime

7

Scum
Fatpooper
7

Enfants de choeur

"Scum", c'est un peu un film de prison : les détenus sont ici des jeunes gens placés dans un centre pour délinquants qui subissent l'oppression de gardiens mais vivent aussi selon la loi du plus fort...

le 25 juin 2014

11 j'aime

12

Du même critique

Scum
Requin_Rouquin
8

Misplaced trust, sir.

J’avais vu Dog Pound il y a quelques années. Et bien que je ne me souvienne pas des trois quarts des films que je vois (ni d’ailleurs des trois quarts de choses que je fais, mais c’est une autre...

le 12 sept. 2015

1 j'aime