C'est le 2e film que je vois avec Jack Lemmon qui fait une dépression (avec Le prisonnier de la 2e avenue, j'aurais presque pu rajouter Le syndrôme chinois), et j'aime énormément voir déprimer cet acteur. Ici, c'est une déprime diffuse, pas explosive, feutrée en un sens.


Harry Stoner a une dure journée. Il a des échanges déprimants avec sa femme, qui part en déplacement. Il doit présenter la nouvelle collection de sa filature, mais les problèmes de liquidité s'accumulent, et il songe à contacter Charlie Robbins, un incendiaire professionnel, au grand désespoir de son comptable et ami, Phil. Il doit trouver une escort pour un gros client, et quand ce dernier fait une attaque, arrondir les angles pour éviter le scandale. Il arrive troublé à la présentation de la collection et fait un discours calamiteux.


Il boit un verre avec l'escort, rencontre Charlie Robbins dans un cinéma porno et lui glisse une avance. Il parle, ému, avec son tailleur polonais qui songe à prendre sa retraite, appelle sa femme car il se sent seul. Sur le Strip, il retrouve Myra, une marginale qu'il a prise le matin en stop et qui lui avait proposé de faire l'amour. Il se laisse amener à la maison qu'elle garde sur la plage, ils fument des joints, mais il lui fait peur, car toutes ses réminiscences de la Seconde Guerre Mondiale lui reviennent : il a participé au débarquement à Capri, et a d'ailleurs appelé sa compagnie Capri Casuals. Le lendemain, il retourne au cinéma voir Charlie Robbins, mais ce dernier refuse d'incendier, car l'immeuble n'est pas aux normes. Il propose de faire partir l'incendie de l'atelier d'un concurrent en-dessous. Harry accepte. En rentrant, il tombe sur un terrain de baseball où des collégiens s'entraînent. Le baseball est le grand regret de sa vie. Il fait un très beau lancer, mais les enfants lui disent qu'il ne peut pas jouer avec eux. Il ressort du terrain, et les regarde, et à ce moment ses yeux sont ceux d'un jeune garçon.


C'est une comédie amère, sur une Amérique des années 70 qui a oublié le rêve de l'entrepreneur des années 1950, qui doit tricher pour continuer à vendre du rêve, dans un monde où la technologie évolue vite, et où les entreprises familiales semblent condamnées. J'y trouve un peu la même mélancolie que celle de Meurtre d'un bookmaker chinois. En dépit d'une scène étrange, où Harry fait un discours pour présenter son défilé et voit des camarades de combat dans les rangs à la place des clients, je n'ai pas été plus sensible que ça au background de vétéran du personnage, même si on comprend que beaucoup de choses s'y rapportent. On comprend au fur et à mesure que Harry vit en Californie mais ne va pas volontiers à la plage, car il est resté glacé de voir que la plage de Capri qui était rouge du sang de ses camarades est devenu un lieu touristique, couvert de filles en bikini. Il y a aussi pas mal de notations sur la prolifération du smog de L. A. Ha, et Lara Parker a peu de temps à l'écran, mais au fonds elle marque plus que la jeune hippie.


Un portraît de patron déprimé qu'on a envie de prendre dans ses bras. Le film repose beaucoup sur ce personnage central, c'est sa force et sa faiblesse. Mais si comme moi, vous êtes un être humain, vous aimez sûrement Jack Lemmon et vous donnerez à ce film sa chance.

zardoz6704
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le 23 oct. 2015

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zardoz6704

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