En tous cas, on ne pourra pas reprocher à Hideo Gosha la cohérence de son parcours, qui depuis Le sabre de la bête, continue à développer son thème de la "bête", et depuis son premier film, l'ambiguïté de l'humain, jamais aussi tiraillé que lorsqu'il se retrouve face aux codes de la société dans laquelle il vit. Mais ce qui est passionnant chez un tel auteur, c'est surtout sa capacité à en varier la formule. Et ce film là ne fait pas exception avec sa reprise d'un antihéros populaire du genre, Sazen Tange. Premier film de Gosha en couleurs, la façon dont est traité ce dernier peut surprendre tant il fait appel à tout un pan de chambaras moins sérieux et plus tragi-comique dans le ton, avec donc un Sazen Tange qui pousse de grands rires bouffons pour mimer une folie émanant de son expérience passée l'ayant fait perdre un bras et un oeil. Autrement dit Samouraï sans honneur est une nouvelle tentative pour Gosha, certes bancale et inégale, de nous resservir le même fond, mais d'une manière un peu plus légère avec une esthétique manga sympathoche, et donc différente des essais précédents.


Ainsi, les enjeux du film sont simples, réduits (une nouvelle fois) à une jarre d'or que plusieurs groupes d'individus cherchent à s'accaparer dans un petit jeu de pouvoir, lequel est représenté de manière jouissive par une séquence où la jarre passe de mains en mains jusqu'à rejoindre, par pur hasard, celles de Sazen Tange. Tandis que les motivations de chacun sont facilement devinables, lui-même ne sait pas quoi en faire. D'ailleurs, il est souvent au second plan, si bien que je lui ai préféré les personnages du couple de voleurs, taquins comme tout dans leur manière d'essayer de récupérer la jarre, et l'orphelin, que Sazen reconnaîtra comme le plus fort de la bande de par sa capacité à survivre avec ses petits moyens. C'est grâce à ces personnages hauts en couleur, avec un Sazen Tange à l'affût et accusé à tort pour qu'il sorte de sa cachette (Sazen est en "pause" pendant un bon bout de temps), que je trouve que l'on est tenu en haleine en dépit d'un rythme capricieux. Outre ceux que j'ai mentionné, se trouvent aussi les conspirateurs malins comme pas deux (j'aime beaucoup l'idée des ninjas qui communiquent par le plafond).


Quand à l'inévitable affrontement final, il est malheureusement en demie teinte. Si celui qui oppose Sazen aux ninjas est plié trop rapidement, le duel final qui l'oppose au "chien domestique" est de belle tenue, bien qu'il me rappelle à quel point je considère ce film comme le brouillon d'un grand film à venir, Hitokiri, qui doit beaucoup à l'interprète de la saga de Zatoichi, alors que ce Sazen, malgré tous ses efforts à faire le méchant, révèle son coeur d'or sans parvenir à trouver un équilibre entre ces deux tendances (un peu le défaut à mon sens des premiers Gosha depuis Le sabre de la bête). Bref, ça sonne un peu faux. Malgré tout, voilà un bon petit chambara que j'apprécie d'autant plus en me refaisant tous les films de Gosha dans l'ordre, dont j'admire la continuité dans ses obsessions, ainsi que son esprit de nouveauté qui donne à chaque film une personnalité bien différente.

Arnaud_Mercadie
6
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le 21 avr. 2017

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Dun

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