Salvador Allende par Christine Deschamps

On a tout entendu sur Allende, des louanges et des invectives, mais le pire, c'est quand on n'entend rien à son propos, comme si sa tentative de révolution pacifique n'avait jamais eu lieu. Pas facile pour un pays de faire son bilan, après une dictature, et de réhabiliter éventuellement les perdants d'une sale guerre civile. Patricio Guzman a ressenti le besoin de se pencher sur le personnage, de retracer le parcours de ce médecin sympathique dont toute une jeunesse éprise d'idéaux est tombée amoureuse, tandis que la droite chilienne, épaulée comme il se devait par le grand voisin du Nord, multipliait les chausse-trappes et les trahisons. Le documentaire donne la parole aux témoins de l'époque, à la famille d'Allende, à l'ambassadeur Korry - tout sourire quand il raconte comment Nixon a tout mis en œuvre pour faire trébucher une démocratie -, aux anciens militants, à tous ceux qui gardent un souvenir tenace de celui qui, selon Korry, était bien trop civilisé pour résister aux pressions déchainées contre lui. On connaît tous la fin, et c'est avec émotion qu'on réécoute le discours d'Allende aux Nations Unies en 72, qui met en garde contre le pouvoir des firmes transnationales et leur mépris pour les institutions démocratiques... Peut-être pourrons-nous enfin entendre cette voix qui résonne dans le désert depuis un certain 11 septembre.