Quand les chasseurs deviennent des proies... c'est le monde à l'envers.

Le temps des héros est mort. Il n’y a plus rien, plus personne en qui on puisse croire, en qui on puisse se fier. Il n’y a plus que des intérêts personnels et des coups dans le dos, et quand ils viennent de face, c’est souvent pour le pire. Je pense qu’on est en train d’assassiner un genre en le balançant complètement dans ce que la censure a souvent pointé : l’amoralité ambiante (car question efficacité, on reste plutôt au niveau, même ici). C’est moi le héros donc je t’explose ta cervelle et je ne prends même plus la peine de tenter une vanne foireuse. Je n’avais pas ressenti de gêne de ce genre depuis Taken, et c’est d’autant plus un choc ici que c’est Schwarzy qui appuie sur la gâchette. On est en face d’un film complètement parasité par le cynisme d’une époque, qui sous couvert de réalisme nous plonge aux milieu d’individus infréquentables et tout simplement puants, qui vomissent leur beauferie dans toutes leurs répliques sans faire jamais preuve de la moindre intelligence ou subtilité (voir le tabassage du videur de boîte). Une bande d’irresponsables notoires qui étalent complaisamment leurs envies de meurtres, à qui on a fait la bêtise de donner des flingues, du calibre haute perforation et une carte en plastique leur assurant l’immunité. Et pour se consoler, on a droit à des vannes sur leurs pets (j’en ai relevé deux dans les 20 premières minutes), sur leurs exploits sexuels (la grave redondance des strip-teaseuses), sur leur alcoolisme et leurs passe temps. Quand un running gag tourne autour d’un tatouage en forme de bite, il y a quand même de quoi se tirer une balle. Et on aimerait que Schwarzy soit épargné par toute cette médiocrité, mais c’est pour mieux le transformer en néo-nazi dans le dernier acte. Usant de corruption à l'argent sale, abattant du mexicain à tout va, se contredisant en menaçant un membre du cartel d’abattre sa famille, avant de balancer un « moi, je ne suis pas comme toi » et lui exploser la cervelle face caméra avec du sang qui macule la pièce. Le réalisme de la violence, c’est une chose plutôt payante et que j’ai tendance à encourager (car elle augmente l’impact, sans se cacher derrière la censure tout public), mais ici, elle a la mauvaise idée de souligner l’amoralité totale dans laquelle on nage. Je venais pour voir un divertissement, je me branle d’un militaire pourri qui vient laver son linge sale en se tâchant les mains. Son traumatisme (famille torturée par un gang) aurait pourtant dû rendre le personnage sympathique (Schwarzy n’a jamais été aussi vulnérable depuis le bancal La fin des temps), mais rien n’y fait, c’est un mépris total qui s’installe pour ce tas de muscle égoïste, au final responsable d’hectolitres de sangs versés et glorifié après un dernier carnage qui laisse sur une image qui m’a immédiatement rappelé American Psycho. Bateman assis dans son fauteuil maculé de sang qui s’allume un cigare. On est dans ce registre ici, sauf que c’est sans ironie, sans distance, sans cervelle. Le plaisir s’est évanoui dans l’amoralité, et cette espèce de clone mal branlé d’Expendables n’a pas une once de charisme, un seul instant. C’est grave de griller le point Godwin (surtout qu'il m'arrive de faire parfois preuve de cynisme), mais ce Sabotage (ironie du titre) vient bouffer du côté de Taken ou d’un Man on fire (qui nous faisait bien rire quand on fourrait le gros cul d’un obèse à la dynamite avant de le faire exploser en plein cadre). Irrattrapable, et une énorme casserole pour l’ami Schwarzy, qui aura intérêt à peaufiner ses prochains rôles pour rester dans la course à la popularité (parce que question armement, ça va).
Voracinéphile
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le 7 mai 2014

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Voracinéphile

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